Bienvenue aux débats d'idées
Pour compléter les informations quotidiennes de Médias Citoyens Diois, nous vous proposons un lieu d'analyse et de débats avec des textes de fond plus développés.

dimanche 1 septembre 2013

Les Rencontres de l'Ecologie 2014 : la Biodiversité au Coeur....



Inestimable biodiversité : les Rencontres de l'Ecologie 2014
- Les habitants de la planète
Seules 1,4 million d’espèces sont répertoriées sur la planète alors que l’estimation du nombre total des espèces varie entre 5 et 30 millions ! Nous connaissons 900 000 espèces d’insectes (90 % des insectes sont encore à découvrir), 90 000 espèces de crustacés et arthropodes, 250 000 espèces de plantes à fleur, 4 000 espèces de bactéries, 22 000 espèces de vers annelés et ronds, et seulement 50 000 espèces de vertébrés. Cela donne une image de la biodiversité bien différente de ce que l’on imagine : les espèces les plus visibles ne sont pas les plus nombreuses ! Par exemple, un millilitre d’eau de mer contient environ 1 million de bactéries, et un hectare de terre non polluée dans une région tempérée abrite de 250 000 à 5 millions de vers de terre !
- Répartition de la biodiversité
La biodiversité des espèces diminue régulièrement en fonction de la latitude, depuis l’équateur jusqu’aux pôles. Ainsi, alors que 5 000 espèces de poissons sont présentes dans le bassin de l’Amazone, il n’y en a que 50 dans le bassin du Rhône. Finalement, 80 % de la biodiversité de la planète se trouve sous les tropiques. La forêt tropicale constitue le milieu le plus riche : malgré une très petite superficie (7 % du globe), elle abrite la moitié des espèces vivantes. Pour éviter une perte trop rapide de la biodiversité de la Terre, les scientifiques ont défini 25 « hot spots » (points chauds), des zones prioritaires de conservation à l’échelle du globe. Ces dernières, qui abritent une biodiversité exceptionnelle, sont aussi celles où les espèces sont le plus menacées de disparition. Elles rassemblent à elles seules 44 % des plantes et 35 % des espèces de mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens de la planète.
- Une 6e extinction massive ?
Entre 1900 et 2000, l’humanité est passée de 1,8 à 6 milliards d’individus ! Cette explosion de la démographie humaine liée à la révolution industrielle a de nombreuses conséquences car la pression sur les milieux est énorme. L’utilisation massive d’eau, d’engrais, de pesticides destinés à une agriculture industrielle et à un élevage intensif d’animaux entraîne la disparition des sols arables et une diminution du niveau des nappes phréatiques. L’essor de l’industrie (et de l’automobile en particulier) qui utilise une énorme quantité d’énergies fossiles provoque un réchauffement climatique global.
Résultat : des disparitions massives d’espèces à la surface de la Terre. Ainsi, 260 espèces se sont éteintes au xxe siècle chez les seuls vertébrés, alors que – étant donné la durée de vie moyenne d’une espèce (5 millions d’années)– une seule espèce aurait dû disparaître au cours de cette période…

- Une écologie de la réconciliation
La mise en place de réserves naturelles sur 10 % des terres émergées ne peut suffire à préserver la totalité de la biodiversité terrestre. C’est pourquoi Michael L. Rosenzweig, professeur d’écologie à l’université d’Arizona, propose une « écologie de la réconciliation » pour harmoniser les rapports des hommes avec les écosystèmes qui les abritent : les aménagements (villes, routes, etc.) devant être prévus dès leur conception pour permettre le maintien et même l’épanouissement de la biodiversité.
- Une évaluation monétaire du vivant ?
En 1997, une étude paraît dans la revue Nature, faisant la synthèse de centaines de tentatives d’évaluation de biens et services rendus par les écosystèmes du globe. Ces études conduites à travers 16 biomes (forêt tropicale, savane…) évaluent monétairement les services rendus par les espèces vivantes : régulation des gaz, régulation du climat, pollinisation, production alimentaire… et l’extrapolent à l’ensemble de la planète. Le montant de ces services est estimé à 33 trillions de dollars ! Or la somme des produits nationaux bruts de la planète ne s’élève qu’à 18 trillions de dollars. Il s’agit évidemment d’une évaluation très imprécise, mais elle nous permet de mieux comprendre l’importance du rôle des écosystèmes dans notre économie, et de tous les services qu’ils nous rendent gratuitement.
- « L’histoire de la biosphère a connu cinq extinctions majeures, et nous sommes au coeur de la sixième. Aujourd’hui, le nombre d’espèces présentes sur Terre est mal connu, et évalué entre 3 et 30 millions. On estime que cette sixième extinction est de 1 000 à 10 000 fois plus rapide que les extinctions qui l’ont précédée. Quelques exemples de l’extinction en cours ? Tout d’abord, la disparition de la forêt tropicale, un milieu de très grande biodiversité et dont beaucoup d’espèces animales ou végétales sont très mal connues. Autre exemple, les pratiques de l’agriculture industrielle ont eu un énorme impact sur les agro-écosystèmes de la Beauce, où le sol n’est plus qu’un désert. Ou les fonds marins dévastés par l’exploitation off-shore du pétrole, sans oublier l’estuaire des fleuves, qui subissent l’impact de nos activités. »
La biodiversité : définition, histoire et protection

“Biodiversité” est un terme aujourd’hui très médiatisé et populaire, qui apparaît explicitement dans les programmes 2008 du CE2 au CM2. Sa définition semble aller de soi puisque le mot est une contraction de “diversité biologique”, deux mots compréhensibles par tout le monde. Sa préservation semble consensuelle. Cependant les raisons de sa préservation sont rarement expliquées. Il existe pourtant des contradictions entre les raisons écologiques du scientifique et du naturaliste, les raisons psychologiques de l’opinion et les raisons utilitaires de l’agriculture et de la sylviculture. La compréhension, par les citoyens et les décideurs de la planète, du problème actuel de la biodiversité nécessite celle de l’évolution et du fonctionnement
Biodiversité fragile et indispensable…et belle  
1. Qu'est-ce que la biodiversité ?
La biodiversité (Wilson 1988), c'est la "diversité du vivant" ou encore la "diversité biologique" (biological diversity, Lovejoy 1980). Le premier vocable a eu plus de succès, mais c'est la même chose.
La Convention sur la biodiversité (2005) en a donné une définition officielle : "Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes."
1.1. Le constat de la biodiversité :
Le constat de la diversité du vivant est ancien. Les premiers classificateurs (Aristote et Pline par exemple) avaient une certaine conscience de cette diversité ; mais ils l'avaient sous-estimée.
Tout au cours de l'histoire des sciences, le nombre des espèces inventoriées est allé croissant. Ainsi “à la fin du XVIIe siècle, un naturaliste comme John Ray estimait le nombre d’espèces dinsectes existant au monde à 10 ou 20 000” (Michel Chauvet et Louis Olivier, 1993). Aujourd’hui, les entomologistes en ont dénombré 1 million. Ce dénombrement est assujetti à la définition de l'espèce (Linné vers 1735). Plus l'inventaire du vivant progresse (XVIIIe), "plus notre embarras s'accroît pour déterminer ce qui doit être regardé comme espèce" (Lamarck, Philosophie zoologique, 1809). Ainsi les classificateurs se sont demandés, par exemple, si, en Afrique, l'éléphant des savanes et celui des forêts constituaient deux sous-espèces de l'espèce "éléphant d'Afrique" ou deux espèces distinctes.
Quelle qu'en soit la réponse, cela change peu quant à la qualité "biodiversifiée" du vivant. Il est difficile de quantifier, de façon objective, la biodiversification du vivant. Les paléontologistes ont remarqué,
épisodiquement, des chutes brutales de cette diversité, des extinctions massives. S'il existe aujourd'hui deux ou trois espèces d'éléphants, il en a existé de nombreux autres au Tertiaire et au Quaternaire. Ainsi donc la biodiversité des Proboscidiens (le groupe zoologique des éléphants) a diminué.
La biodiversité, malgré sa constation précoce, a été, malgré tout, perçue différemment depuis le 19e siècle, et surtout depuis Darwin. La biodiversité est devenue “évolutive” et est perçue maintenant dynamiquement. Linnée concevait une biodiversité en tiroirs indépendants.
1.2. La répartition de la biodiversité (apports de la biogéographie et de l'écologie) :
1.2.1. Biodiversité et latitude :
“La richesse en espèces augmente des pôles vers l’équateur pour la plupart des groupes taxinomiques...” (Christian Lévêque 2001)
Le milieu terrestre qui est considéré comme le plus diversifié est la forêt inter-tropicale. Les forêts tempérées présentent comparativement peu d'espèces.
A priori, deux explications peuvent être avancées :
- l'humanisation plus importante des régions tempérées aurait fait disparaître des espèces ;
- le climat chaud et humide des zones inter-tropicales favoriserait la biodiversité.
Mais, il semble que :
- les glaciations en Europe aient fait descendre les espèces vers le sud. Ce déplacement vers le sud aurait été arrêté par la Méditerranée, réduisant ainsi leur aire de répartition. Ici, l'homme n'y serait pour rien.
1.2.2. Biodiversité et pollution :
Les milieux aquatiques peuvent être plus ou moins biodiversifiés. C'est l'écologie qui nous apporte ici des informations. En effet, les milieux aquatiques pollués présentent une diversité moindre, à tel point que le nombre d'espèces différentes sert d'indice pour évaluer le degré de pollution. Il s'agit de la méthode des "indices biotiques".
1.2.3. Biodiversité et groupes zoologiques :
Les insectes “ont évolué en trois grandes explosions évolutives, au cours desquelles ils ont d’abord développé des ailes, puis la métamorphose avant de créer l’art de polliniser et d’inaugurer la vie en société. Grâce à ces avantages, les insectes représentent 85% de la diversité animale“ (André Nel 2002).
En considérant l’ensemble du vivant, il semble que la biodiversité au sein des groupes zoologiques soit en rapport inverse de la taille de leurs espèces. Il y a plus d’espèces chez les (petits) insectes que chez les (grands) mammifères.
2. Histoire de la biodiversité ou évolution du vivant (apports de la paléontologie)
2.1. Le constat de l'évolution :
La première structure à considérer dans l'histoire du vivant c'est la cellule. Les premiers êtres ont des cellules simples, ce sont les bactéries. Les être furent d'abord unicellulaires avant d'être pluricellulaires. Mais remarquons dès à présent que ces types cohabitent aujourd'hui. Il a fallu attendre que l'atmosphère s'enrichisse en di-oxygène et en ozone (Grâce à la photosynthèse des végétaux à partir de la fin du Précambrien) pour que la vie terrestre (terres émergées) se développe. Sans la couche d'ozone, la vie est impossible en dehors de l'eau. Aussi voit-on apparaître à l'Ère Primaire ou Paléozoïque, après les poissons, les premiers amphibiens qui ne sont pas totalement indépendants du milieu aquatique puisqu'ils se reproduisent dans l'eau. Les animaux qui apparaissent après, possèdent un liquide amniotique qui leur permet de se reproduire en dehors de l'eau. Ce sont les dinosaures, les lézards, les oiseaux... et les mammifères. On constate le même affranchissement vis à vis du milieu aquatique chez les végétaux : Après les algues, apparaîtront les mousses, puis les fougères (qui ont toujours besoin d'un petit film d'eau pour se reproduire). Enfin, les plantes à fleurs se libèrent de l'eau puisque les spermatozoïdes du pollen ne nagent plus dans l'eau, mais progressent dans un tube pollinique.
Cette histoire raccourcie du vivant sur la Terre (que l'on retrouve dans la classification phylogénétique) montre l'antériorité du mode de vie aquatique sur le mode terrestre.
Deux remarques s'imposent :
1) La coexistence des formes ancestrales avec les formes ultérieures si bien qu'actuellement les humains observant cette diversité ont sous les yeux simultanément presque toutes les grandes formes historiques de la vie ;
2) Les paléontologistes ont remarqué que cette évolution n'était pas linéaire. Ainsi les premiers mammifères ont cohabité avec les premiers reptiles du Secondaire (mésozoïque).
La classification phylogénétique du vivant (Lecointre 2001) intègre les données de l'évolution. L'histoire des sciences montre une évolution des façons de classer le vivant, lesquelles sont révélatrices des conceptions, depuis l'anthropocentrisme qui consiste à faire référence à l'utilité pour l'homme et à la comparaison avec l'homme, en passant par le fixisme et le typologisme de Linné (chaque espèce créée doit être placée dans une case), jusqu'à l'évolutionnisme moderne.
2.2. Le comment de l'évolution :
C'est principalement à partir du XVIIIe que les savants ont eu l'idée de l'évolution. Signalons que Linné était fixiste. Le XIXe va s'intéresser à son processus. Deux théories s'affrontent : le transformisme de Lamarck (1809) et l'évolutionnisme de Darwin (1859).
Différence entre le transformisme de Lamarck et l'évolutionnisme de Darwin :
2.2.1. Lamarck explique que le fourmilier a perdu ses dents parce qu'il a pris "l'habitude de n'exécuter aucune mastication" et que ce caractère s'est conservé dans les générations suivantes. C'est l'hérédité des caractères acquis. "Les serpents ayant pris l'habitude de ramper sur la terre, et de se cacher sous les herbes, leur corps, par suite d'efforts toujours répétés pour s'allonger, afin de passer dans des espaces étroits, a acquis une longueur considérable... Or, des pattes eussent été très inutiles..." (Lamarck, 1809)
2.2.2. Selon Darwin, la nature a tendance à se diversifier : "une légère différence entre les variétés s'amplifie au point de devenir une grande différence que nous remarquons entre les espèces". C'est le principe de divergence des caractères. La nature propose de nouveaux caractères. Seuls les caractères les plus avantageux permettront aux espèces qui les possèdent de survivre. Ainsi ces caractères sont transmis aux générations suivantes. “J’ai donné le nom de sélection naturelle ou de persitance du plus apte à cette conservation des différences et des variations individuelles favorables”.
La nature produit donc sans cesse de nouvelles espèces, compensées par des extinctions : "Nous pouvons affirmer que les formes les plus anciennes doivent disparaître à mesure que les formes nouvelles se produisent, à moins que nous n'admettions que le nombre des formes spécifiques augmente indéfiniment. Or la géologie nous démontre que le nombre des formes spécifiques n'a pas indéfiniment augmenté." On résout mieux aujourd'hui ce problème avec la connaissance des cinq grandes extinctions.
2.3. La biodiversité a été plusieurs fois attaquée au cours de l'histoire de la terre, ce sont les 5 grandes extinctions :
2.3.1. Fin de l'Ordovicien (440 millions d'années),
2.3.2. Fin du Dévonien ( 365 millions d'années),
2.3.3. Fin du Permien (225 millions d'années),
2.3.4. Fin du Triassique (210 millions d'années),
2.3.5. Fin du Crétacé (65 millions d'années).

Difficile de dire si ces catastrophes ont réduit la biodiversité d'aujourd'hui, mais il est certain qu'elles en ont modifié l'aspect. Ainsi les mammifères ont profité de l'extinction des dinosaures.
2.4. La biodiversité est aujourd'hui menacée :
les principales causes actuelles de la destruction de la biodiversité sont (Dajoz 2008) :
2.4.1. "La fragmentation et/ou la destruction des habitats." Ex : la dégradation du bocage ;
2.4.2. "Les invasions par des espèces étrangères véhiculées volontairement ou non par l'homme..." Ex : l'ambroisie ;
2.4.3. "Les pollutions" ;
2.4.4. "La surexploitation des ressources" ;
2.4.5. "Les modifications climatiques"
Concernant les menaces actuelles sur la biodiversité, certains auteurs n'hésitent pas à parler de la 6e extinction massive :
"Il s'agit là d'une véritable tragédie qui fait de cette hécatombe le sixième grand spasme d'extinction depuis l'explosion cambrienne de la vie il y a 600 millions d'années. La particularité de cette crise est d'être provoquée par des processus propres à la planète elle même - les activités d'une seule espèce, l'homme - et non pas par des catastrophes de type cosmique comme la collision d'une météorite..." (Blondel 2006).
3. La protection de la biodiversité :
“Plus de 150 Etats ont ratifié la Convention sur la diversité biologique qui reconnaît pour la première fois que la conservation de la diversité biologique est une « préoccupation commune à l’humanité » et qu’elle fait partie intégrante du processus de développement.” (http://www.ecologie.gouv.fr/Convention-sur-ladiversite.html)
3.1. Les rapports de l'homme à la diversité du vivant :
Les hommes apprécient de manières très différentes les animaux et végétaux sauvages qui l'entourent.
Trois types de comportements peuvent être identifiés (Pierre Joly 2006):
3.1.1. la raison économique (anthropocentrisme économique) : Les êtres vivants sont appréciés quand ils favorisent l'économie et détruits dans le cas contraire ; Exemple : destruction des insectes et des "mauvaises herbes" dans les cultures et les jardins potagers. C'est la conception utilitaire de la nature.
3.1.2. la raison psychologique (anthropocentrisme culturel) : Les êtres vivants sont considérés en raison de leur esthétisme ; Exemple : les orties dans les jardins d'agréments, les pissenlits sur la pelouse de la mairie, mais aussi la phobie des serpents et araignées. C'est la conception esthétique de la nature.

3.1.3. la raison écologique (écocentrisme et biocentrisme) : Les êtres vivants sont appréciés dans toute leur diversité parce que celle-ci est facteur de stabilité des écosystèmes ; Exemple : le maintien dans les forêts domaniales de quelques vieux arbres assaillis par les xylophages semblerait limiter l'impact de ces insectes sur les arbres exploités.
3.2. Pourquoi protéger la biodiversité ?
La protection de la biodiversité, donc de toutes les espèces encore existantes aujourd’hui ne va pas de soi. Argumenter pour la protection des requins mangeurs d’hommes met forcément dans l’embarras. Les poux et autres ecto-parasites sont-ils des éléments désirables de la biodiversité ? Si la protection des gorilles africains est facile à admettre pour un européen, celle des ours des Pyrénées est plus difficile à accepter par un éleveur pyrénéen. C’est bien souvent lorsqu’une espèce se raréfie que les hommes commencent à mieux l’estimer. On en vient donc à penser que ce sont plutôt les proliférations que les espèces elles-mêmes qui sont nuisibles.
3.2.1. Instabilité des écosystèmes simplifiés et des agrosystèmes :
"Pour conserver la stabilité il faut conserver la variété" (Joël de Rosnay). Une espèce dont les effectifs deviennent trop faibles sont sujets à la dérive génétique c'est-à-dire à l'aléatoire des gènes qui subsistent dans les quelques individus survivants. En dessous d'un certain seuil, l'espèce est condamnée à disparaître, à la fois par consanguinité et par dérive génétique.
"Un postulat plus ou moins intuitif est que les écosystèmes sont d'autant plus stables qu'ils sont diversifiés... La suppression d'une liaison sera rapidement compensée par la mise en place d'une autre. Certains résultats sont venus étayer cette hypothèse... La complexité tend à stabiliser les écosystèmes en amortissant les fluctuations temporelles des populations." Lévêque 2008
3.2.2. Biodiversité et complexité :
“Plus les écosystèmes sont complexes, plus le nombre d’espèces qui interfèrent est élevé et plus les populations sont stables. Des fluctuations importantes et rapides apparaissent dans les écosystèmes simples où peu d’espèces sont présentes et où les chaînes alimentaires sont courtes. Toute modification quantitative à un des niveaux trophiques se répercutera violemment sur les niveaux supérieurs car les espèces n’ont pas la possibilité de choisir d’autres sources alimentaires” (Dajoz, Dunod, 1971, p.239).
“La biologie occupe une place de choix dans l’étude de la complexité, et tous les systèmes vivants, même les plus simples, sont des systèmes complexes, le cerveau des vertébrés supérieurs étant probablement le système le plus complexe qui soit” (Ricard 2003). La forêt vierge est le symbole même de la complexité. La complexité se caractérise par l'impossibilité à tout y inventorier, impossibilité de l'exhaustivité des relations trophiques qui y ont lieu. L’épistémologie montre la tentation déterministe et dichotomique : "L'opposition tranchée entre animaux utiles et nuisibles semble (...) témoigner d'une ignorance flagrante de la complexité des réseaux alimentaires" (Jean-Marc DROUIN, Réinventer la nature, Desclée de Brouwer, 1991).
Au XIXe siècle, les manuels scolaires ont fait apprendre aux élèves la dichotomie "utiles et nuisibles". Les sentiments sur ces forêts ont progressé peu à peu depuis l’image négative de “l‘enfer vert” jusqu’au “poumon de la planète”, signe très net d’une valorisation des forêts équatoriales.
3.2.3. Biodiversité contre oxygène.
Exemple de la forêt vierge :
Contrairement à la forêt tempérée exploitée, la forêt vierge est très diversifiée, mais non excédentaire en oxygène. Elle n'est donc pas le "poumon de la planète" comme de nombreux médias l'ont écrit. C'est toute la faune et les champignons qui absorbent le dioxygène. Dans la forêt exploitée rationnellement, il y a peu de place pour la faune et la production de dioxygène est proportionnelle à la productivité. La forêt rationnelle est une pompe à carbone, mais cela se traduit par une pauvreté biologique. Quand on veut défendre la rationalité de la sylviculture, on omet généralement de préciser son corollaire, la faible biodiversité.
D'où les contradictions à propos de la gestion de la forêt : les vieux arbres creux favorisent la biodiversité mais ne produisent pas de bois d'oeuvre.
Exemple des termites :
Les termites respirent, comme presque tous les êtres vivants. On a calculé qu'ils produisent plus de dioxyde de carbone que toutes les combustions de pétrole (Pour la Science, mars 1983). Va-t-on pour autant détruire tous les termites de la planète ?
3.2.4. Biodiversité et biochimie.
Outre la biodiversité des espèces et des écosystèmes, il existe aussi une diversité biochimique. En effet, les espèce se caractérisent par une spécificité biochimique. La biochimie est d’ailleurs un critère utilisé pour confirmer ou infirmer les classifications anciennes.
Nous le voyons, les arguments pour la biodiversité sont d’ordre écologique (la stabilité des écosystèmes), d’ordre utilitaire et agricole (l’évitement des proliférations), mais aussi d’ordre sanitaire et thérapeutique (molécules pour l’industrie pharmaceutique).
3.2.5. Biodiversité et culture naturaliste.
L’abondance d’une flore et d’une faune diversifiée parmi les hommes a un avantage qui pourraît paraître anecdotique, mais qui concerne particulièrement l’éducation, c’est le développement d’une culture naturaliste : “La dénaturation de la planète, c’est aussi sa déculturation” (Philippe Saint-Marc, 1971).
3.3. La biodiversité, complexité et “Développement Durable”.
Les productions rationnelles et intensives des sylvi- et agri- cultures réduisent la biodiversité (Geneviève Michon).
Comment concilier l'économique, le social et la nature dans toute sa biodiversité ?
Les forêts domaniales peuvent avoir des rôles multiples : économique (production de bois, de gibier...), récréative (lieu de promenade), écologique (biodiversité) et environnemental (pompe à carbone).
3.3.1. Intérêt de l'énergie de la biomasse (le bois comme source d'énergie) dans la limitation de l'effet de serre :

Répondre à la question “pourquoi l'utilisation du bois réchauffe-t-il moins la planète que les énergies fossiles ?” nécessite la compréhension de la photosynthèse : Lorsque l’arbre grandit (et fabrique donc du bois) il pompe du dioxyde de carbone et rejette du dioxygène. La quantité de dioxygène produit par un arbre est égale celle qui sera nécessaire à sa combustion. Le bilan est donc nul, aussi bien pour le dioxyde de carbone que pour le dioxygène et donc la combustion du bois n’aggrave pas l’effet de serre. Cependant, l’utilisation massive des forêts comme source d’énergie nécessite sa rationalisation et donc réduit sa biodiversité.
3.3.2. Jachères et biodiversité :
Les jachères agricoles sont un autre exemple de conflit entre les différents domaines que sont économie, social et écologie : Elles ont été créées pour limiter les excédents, ce qui a été bénéfique pour la biodiversité, jusqu’à ce que la situation des denrées agricoles évolue vers l’insuffisance (à cause des carburants biologiques), incitant à la disparition des jachères au grand dam des naturalistes. Comment alors décider de la suppression ou non des jachères ?
Les carburants biologiques pour lesquels on s’était dans un premier temps enthousiasmé se montrent finalement moyennement intéressants quand on sait que leur culture nécessite pesticides (donc réduit la biodiversité) et ... énergie ; quand on sait qu’ils entrent en concurrence avec l’alimentation humaine.
3.3.3. Complexité :
Cette complexité des problèmes énergétiques montre qu’il n’existe pas “une” solution magique. La conscience de la complexité pourrait être une incitation à l’indécision (Edgar Morin). Il faut donc plutôt multiplier les nombreuses petites solutions aux problèmes énergétiques et inciter à la parcimonie de l’énergie.
On le voit la productivité (domaine de l’économie), l’effet de serre (domaine de l’environnement), et biodiversité (domaine de l’écologie) interfèrent.
Les programmes de l’école Primaire de 2002 souhaitaient “une prise de conscience de la complexité de l'environnement et de l'action exercée par les hommes”.
En 2004, une circulaire demandait à ce que les maîtres de tous les niveaux de la scolarité fassent une Éducation à l’Environnement et au Développement durable. Elle deviendra “Éducation au Développement Durable” en 2007.
3.3.4. Développement durable :
Le concept de Développement Durable (Brundtland 1987) présente une nouveauté par rapport à celui d’environnement, c’est d’intégrer plus explicitement les contraintes économiques et sociales. Il permet d’éviter les excès d’un intégrisme écologique (deep ecology) et de montrer que des préoccupations économiques ne sont pas forcément en contradiction avec l’environnement (http://fr.wikipedia.org/wiki/Développement_durable).
Il existe un “agro-écosystème” qui respecte les deux exigences de production économique et de respect de la biodiversité, c’est le bocage. Jadis très répandu, il a été fortement réduit lors des remembrements des années 1960 et 1970. on a fort judicieusement qualifié le bocage de forêt linéaire ou alvéolaire. La biodiversité du bocage s’explique par l’effet lisière. Le bocage est une lisière forestière festonnée, à valoriser donc dans une logique développement durable.

Conclusion :
Face aux problèmes environnementaux (pollutions, effet de serre...) et sociaux (pauvreté, famine...), le besoin de plus d’espaces humanisés se fait sentir pour approvisionner l’humanité en énergie et en nourriture. Comment faire pour préserver tout en même temps la biodiversité ? Pour que les hommes fassent les bons choix, il est nécessaire qu’ils comprennent mieux le fonctionnement de la biosphère et qu’ils aient une certaine conscience de la complexité. Celle-ci se manifeste à deux niveaux : la biosphère est complexe (du fait de la diversité du vivant et des relations trophiques) et les solutions à apporter le sont aussi.
Ainsi, c’est plus un panel de solutions qu’il faut avoir, comme la diversité des sources d’énergie et surtout les économies d’énergie qui réduiront l’impact sur les milieux naturels où se trouve la biodiversité.
La biodiversité, interférant avec les aspects sociaux et économiques de la planète (énergie, jachères, pauvreté, productions agricoles et forestières...), nécessite une approche interdisciplinaire. Aussi, en toute logique, “le programme de géographie contribue, avec celui de sciences, à l’éducation au développement durable” (BOEN du 19 juin 2008).
Bernard Langellier, Professeur des SVT à l'IUFM de Basse-Normandie, 2010
Citations et extraits (par ordre chronologique) :
1) Charles DARWIN, L'origine des espèces, chap. IV, 1859 (La Découverte, 1985, p.161) :
"Bien des circonstances naturelles nous démontrent la vérité du principe, qu'une grande diversité de structure peut maintenir la plus grande somme de vie. Nous remarquons toujours une grande diversité chez les habitants d'une région très petite, surtout si cette région est librement ouverte à l'immigration, où par conséquent, la lutte entre les individus doit être très vive. J'ai observé, par exemple, qu'un gazon, ayant une superficie de 3 pieds sur 4, placé, depuis bien des années, absolument dans les mêmes conditions, contenait 20 espèces de plantes appartenant à 18 genres et à 8 ordres, ce qui prouve combien ces plantes différaient les unes des autres. Il en est de même pour les plantes et pour les insectes qui habitent des îlots uniformes, ou bien des petits étangs d'eau douce. Les fermiers ont trouvé qu'ils obtiennent de meilleures récoltes en établissant une rotation de plantes appartenant à des ordres les plus différents...
Dans l'économie générale d'un pays quelconque, plus les animaux et les plantes offrent de diversités tranchées les appropriant à différents modes d'existence, plus le nombre des individus capables d'habiter ce pays est considérable."
2) Maurice GIRARD, Catalogue raisonné des animaux utiles et nuisibles de la France, destiné particulièrement aux Ecoles Normales Primaires et aux Ecoles Primaires, Hachette, 1878, Fascicule II : Animaux nuisibles :
p.5 : L'Ours brun : "N'est cité que pour mémoire, n'existant plus en France que dans quelques localités des Alpes ou des Pyrénées. - Signaler ses traces afin que des battues soient organisées."
p.8 : Le Loup : "Rechercher avec soin les traces de ce dangereux et redoutable animal, encore trop commun, surtout en hiver, dans beaucoup de nos départements, et signaler sa présence aux autorités locales, afin que des battues soient organisées immédiatement."
p.9 : Le Chat sauvage : "Existe encore dans les grands bois de nos départements montagneux ; très-nuisibles aux oiseaux, aux lapins, parfois aux lièvres. - A détruire. Il paraît se croiser avec nos chats domestiques. Il y a des sujets de ceux-ci qui redeviennent sauvages dans les champs et grands destructeurs d'oiseaux utiles, de lièvres, de volailles. Il faut tuer ces chats avec le même soin que le chat sauvage."
p.10 : L'Ecureuil : "Vit par couples sur les arbres, construisant un nid sphérique de mousses et de petites branches, et faisant dans les trous d'arbres de nombreuses cachettes de provisions ; mange beaucoup de noisettes et de fruits des bois ; est très-nuisible en rongeant les bourgeons, surtout dans les forêts d'arbres verts, où il empêche le développement des flèches."
p.18 : Le Grand-Duc : "N'est plus répandu que dans l'est de la France, et surtout dans les lieux montagneux ; détruit des gibiers, mais aussi des rats et des insectes, ce qui le rend utile en partie."
3) Les termites polluent (extrait de Pour La Science, Mars 1983) :
"P. ZIMMERMANN et J. GREENBERG… ont estimé la population de termites dans le monde à 24 X 1017… Les auteurs estiment que la production mondiale des termites en dioxyde de carbone est égale à 4,6 X 1016 grammes par an soit plus du double de la production mondiale en CO2 à partir de la combustion de pétrole…"
4) Rapport BRUNDTLAND (1987) : “un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de "besoins", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.“
5) Dossiers et documents, du Journal Le Monde, Juin 1990, numéro 178 p.3 : REBEYROL Yvonne, 15 avril 1989 : "La forêt tropicale humide serait le poumon de la planète (...). Cette thèse n'a pas de base scientifique (...). Tout milieu naturel en équilibre a un bilan nul... Cette fonction de stockage n'appauvrit l'atmosphère en gaz carbonique que pendant la période de croissance... D'autre part, la forêt tropicale humide est un extraordinaire réservoir de vie animale."
6) Impact des facteurs psychologiques sur la réduction de la biodiversité : les phobies (araignées, serpents...) et le besoin psychique de nettoyer la nature pour des raisons esthétiques (pelouses...) :
Robert HARRISON, Forêts, Essai sur l'imaginaire occidental, Flammarion, 1992, p.41.
"La pulsion destructrice envers la nature a trop souvent des causes psychologiques qui dépassent l'envie de biens matériels ou le besoin de domestiquer l'environnement"
7) Michel CHAUVET et Louis OLIVIER, La biodiversité, enjeu planétaire, Sang de la terre, 1993 :
“Précisons que biodiversité est synonyme de diversité biologique. Sous cette notion très globale on entend la diversité que présente le monde vivant à tous les niveaux : écologique, spécifique, génétique...
Dans un écosystème, on ne trouve pas des espèces en soi, mais des ensembles d’individus concrets, que l’on appelle des populations. On distingue classiquement la biocénose... et le biotope...
Les forêts, tropicales ou tempérées, ne sont pas le poumon de la planète. Cela n’ôte rien au fait qu’elles jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau et dans la régulation du climat, ou dans la formation et la protection des sols. Une politique de conservation des espèces qui négligerait la conservation des milieux serait sans issue...”
8) Pierre JOLY, Les valeurs de la biodiversité et les motivations de sa conservation, in Philippe Lebrun, Biodiversité, état, enjeux et perspectives, De Boeck, 2006, p.49 : “La forte emprise de l’humanité... réduit fortement l’énergie et l’espace disponibles pour les nombreuses espèces, qui subissent ainsi de dramatiques effondrements démographiques.”
9) Jacques BLONDEL, De l'utopie écologiste au développement durable, le rôle de la biodiversité sur une planète en crise, in Biodiversité, état, enjeux et perspectives, De Boeck, 2006, p.27 à 34 :
“Le premier écueil pour apprécier la crise de la biodiversité est la très mauvaise connaissance de l'état des lieux, à savoir le nombre d'espèces actuellement vivantes, leur distribution et la nature réelle des risques qu'elles encourent (...).

Le nombre total d'espèces actuellement vivantes est compris entre 5 et 15 millions, probablement de l'ordre de 7 millions (May 1994). Sur ce nombre, guère plus d'un million et demi ont été décrites, ce qui signifie qu'au rythme actuel d'extinctions, la plus grande partie des espèces disparaîtront avant même d'avoir été trouvées et décrites. Il s'agit là d'une véritable tragédie qui fait de cette hécatombe le sixième grand spasme d'extinction depuis l'explosion cambrienne de la vie il y a 600 millions d'années. La particularité de cette crise est d'être provoquée par des processus propres à la planète elle-même - les activités d'une seule espèce, l'homme - et non pas par des catastrophes de type cosmique comme la collision d'une météorite...”
10) Roger DAJOZ, La biodiversité, l'avenir de la planète et de l'homme, Ellipses, 2008 :
p.47, Biomasse et biodiversité du sol : "On trouve dans un gramme de sol de richesse moyenne d'une région tempérée, 200 millions de bactéries, 600 000 actinomycètes et 500 000 spores de champignons, 70 000 amibes, 600 000 algues unicellulaires. Ces chiffres correspondent à des biomasses par hectare de 2 500 kg de bactéries, 600 kg de champignons, 700 kg d'actinomycètes et 50 kg d'algues.Il faut y ajouter de 250 à 2 250 kg d'animaux dont la moitié est formée de vers de terre. Le sol héberge donc une biomasse animale beaucoup plus élevée que la partie aérienne."
p.138, Espèces invasives : "Certaines plantes invasives sont aussi nuisibles pour l'homme... Une plante originaire d'Amérique du Nord, l'ambroisie Ambrosia artemisifolia, est arrivée en Europe occidentale vers 1860...Son pollen est très allergisant puisqu'il suffit de quelques grains par m3 pour provoquer une réaction."
La biodiversité n’a pas un radis
Analyse Alors que de plus en plus d’espèces, végétales comme animales, sont menacées, les discussions à la conférence des Nations unies, à Hyderabad, ont achoppé sur le financement.
Hyderabad ne restera pas dans les mémoires : au terme de deux semaines de discussions, les 180 pays réunis dans cette ville indienne pour la conférence des Nations unies sur la diversité biologique devraient se quitter sur un accord a minima. Au mieux… Hier soir, la question centrale - celle des financements en faveur de la protection de la nature -, à laquelle sont suspendues toutes les autres décisions, était toujours âprement discutée. «S’il n’y avait pas d’accord sur les financements, ce serait au pire la mort des objectifs de sauvegarde de la biodiversité définis lors de la conférence de Nagoya en 2010 et, au mieux, deux années de perdues»,s’inquiétait Sandrine Bélier, députée européenne (Europe Ecologie-les Verts).
«Le texte de l’accord prévoit un doublement d’ici à 2015 des flux publics et privés consacrés par les pays du Nord aux mesures de protection de la nature dans les pays en développement, par rapport à une moyenne annuelle de ces flux sur la période 2006-2010», expliquait hier Romain Pirard, économiste de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Il est très difficile d’évaluer ces flux : à la louche, on estime les financements publics et de mécénat internationaux à près de 10 milliards de dollars (7,6 milliards d’euros) par an. «Mais les Etats n’ont pas fait leur travail : les pays du Nord devaient mettre en place un système d’évaluation de ces flux financiers et les pays en voie de développement devaient arriver avec un chiffrage de leurs besoins pour protéger leur biodiversité», souligne Romain Pirard. La majorité des Etats sont arrivés le cartable vide.
«Garde-fous». La protection des milieux marins, notamment en haute mer, là où ne s’appliquent pas les législations nationales, a aussi fait l’objet de discussions serrées. Hier, à Hyderabad, la ministre française de l’Environnement, Delphine Batho, a défendu la création d’un «statut environnemental de la haute mer». «On ne peut protéger les océans si personne n’est responsable et s’il n’y a pas de règle», a-t-elle avancé. Ce sera hélas encore le cas pour un moment : les négociateurs ne sont parvenus qu’à établir une liste d’une cinquantaine de zones sensibles à protéger dans le Pacifique ouest, les Caraïbes et la Méditerranée. Des zones qui «préfigurent des garde-fous pour les espèces marines face au développement de la pêche et de la prospection pétrolière en haute mer», espérait Patricio Bernal, de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Mais à Nagoya, la communauté internationale s’était engagée à mettre en place, d’ici à 2020, des «aires protégées gérées efficacement et équitablement» couvrant au moins 10% des zones marines et côtières. Pour l’heure, seul 1,6% du domaine océanique est protégé.
Et pourtant, «la maison brûle», pour reprendre l’expression de Jacques Chirac en 2002, lors du sommet de la Terre de Johannesburg. Témoin, la liste des espèces menacées d’extinction, établie par l’UICN, présentée à Hyderabad. Depuis la dernière version, publiée en juin, plus de 400 végétaux et animaux ont rejoint la liste rouge. Sur les 65 518 espèces étudiées par l’UICN (sur 1,8 million d’espèces recensées dans le monde et 15 millions probablement existantes), près du tiers est menacé d’extinction : 4 088 espèces sont en danger critique d’extinction, 5 919 en danger et 10 212 vulnérables.
Palmiers. «L’un des 20 objectifs de Nagoya est d’enrayer l’extinction des espèces menacées connues et d’améliorer leur état de conservation d’ici à 2020, rappelle Sébastien Moncorps, directeur de l’UICN France. Mais pour les mammifères, oiseaux et invertébrés, les trois groupes dont toutes les espèces connues ont été évaluées, la situation est toujours aussi critique : 25% des mammifères, 12% des oiseaux et 40% des amphibiens sont menacés.» Et à chaque fois que l’UICN s’intéresse à un nouveau groupe, «on trouve un taux d’au moins 20% d’espèces menacées», alerte Sébastien Moncorps.
C’est souvent bien pire. A Hyderabad, l’UICN a insisté sur la situation «terrifiante» des palmiers de Madagascar, l’un des sites les plus riches en termes de biodiversité. L’île compte 192 espèces de palmiers endémiques : 83% sont menacés d’extinction, alors que les populations les plus pauvres en dépendent pour la nourriture et les matériaux de construction. Leur disparition est due au défrichage pour l’agriculture et à l’exploitation des forêts. Une autre étude publiée lundi montre que les lémuriens de Madagascar figurent parmi les primates les plus menacés de la planète, en raison de la destruction de leur habitat et du braconnage. L’île a en effet déjà perdu plus de 90% de ses forêts
ELIANE PATRIARCA
Déforestation, Biodiversité, Peuples autochtones
« Forêts tropicales : c’est fichu ! »
 « Nous sommes à la veille de la plus grande crise d’extinction depuis la disparition des dinosaures. » Ahmed DJOGHLAF,
secrétaire de la Convention sur la Biodiversité.
Qu’est-ce que la forêt ? Déjà une controverse ! La FAO donne une définition très large et ne différencie pas plantations industrielles (monoculture, très faible diversité) et forêts primaires (diversité maximale).
La forêt tropicale humide, qui s’étend d’un tropique à l’autre en Amérique, en Afrique et en Asie est concernée en priorité par la déforestation. Toujours verte, installée sur des sols pauvres qu’elle protège de l’érosion depuis 40 mètres de haut, elle maintient les équilibres hydrologiques régionaux et modère les variations climatiques. La forêt participe au recyclage du CO2. Cependant l’expression « poumon de la planète », pour les forêts anciennes comme la forêt amazonienne, n’est peut-être pas exacte : seule la forêt en croissance aurait un bilan positif de ce point de vue. C’est un autre sujet de polémique…
Nous ne connaissons que 2% à 3% des formes de vie de notre planète. Au moins la moitié de ces espèces vivent dans les forêts tropicales. Nous ne nous rendons guère compte au quotidien de l’importance primordiale de cette diversité, tant nous sommes assujettis à notre quotidien, aux dix animaux et vingt plantes qui composent l’essentiel de notre alimentation. Dans un hectare de forêt tropicale humide on peut généralement recenser entre 50 à 200 espèces d’arbres, alors que l’on en compte rarement plus de dix dans un hectare de forêt tempérée. La disparition d’une espèce entraîne simultanément la perte de tout son potentiel génétique et peut entraîner des réactions en chaîne, induisant d’autres disparitions. Or « Nous sommes à la veille de la plus grande crise d’extinction depuis la disparition des dinosaures. »
Les causes de la déforestation
Selon le rapport 2007 de la FAO, des progrès ont été accomplis sur la voie de la gestion durable des forêts. Cependant la déforestation atteint maintenant 13 millions d’hectares par an. Cela concerne d’abord les forêts tropicales, tandis que la superficie des forêts augmente en Europe. Mais si la forêt française semble bien se porter au point de vue quantitatif, avec une superficie totale en augmentation, il n’en est pas de même au plan qualitatif avec des reboisements monospécifiques.
L’agriculture sur brûlis qui s’intensifie sous la pression démographique, aboutit à une stérilisation des sols. Le ranching amazonien substitue la prairie pour l’élevage bovin aux forêts anciennes, laissant au bout de quelques années des sols épuisés. La concentration de terres s’accompagne de conflits sociaux souvent violents. Les monocultures sur lesquelles reposait la colonisation (thé, café et cacao, épices et aromates)  se sont étendues (bananes, papayes et ananas), avec l’habituel « paquet technologique » hérité de la Révolution verte des années 1960 (mécanisation, engrais chimiques, herbicides et pesticides, parfois irrigation, mais aussi réseaux routiers étendant la déforestation). Le palmier à huile est devenu la cause principale de déboisement en Indonésie, et commence à porter atteinte aux forêts dans bien d’autres pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine : on l’utilise dans l’industrie agroalimentaire et pour la production de carburant. Aliment du bétail riche en protéines et lui aussi matière première pour la production d’agrocarburant, on dit du soja qu’il est l’un des plus féroces ennemis de la forêt brésilienne. L’esclavagisme est une réalité quotidienne dans certaines grandes exploitations agricoles du Brésil. Les forêts de mangroves sont converties en élevages de crevettes après déboisement, et totalement appauvries.
Les barrages hydroélectriques inondent des centaines de milliers de kilomètres carrés, parfois dénoncés comme « folie technique et environnementale ».
Les gouvernements encouragent les industries minières (étain, cuivre, or, bauxite, cobalt, charbon, minerai de fer, pétrole, gaz naturel), qui impliquent d’importants défrichements et des pollutions annexes. La Guyane vend 2 fois plus d’or qu’elle n’en produit légalement. L’orpaillage - officiel ou clandestin- a pour corollaire l’invasion des réserves indigènes, la diffusion des maladies, l’insécurité, la contrebande, la corruption, la pollution par le mercure des rivières, des poissons et des populations qui s’en nourrissent.
L’exploitation pétrolière provoque des dégâts sur l’environnement : perturbations de l’écosystème, construction de routes et d’héliports, pollution par les déchets toxiques et la combustion permanente des torchères, fuites sur les oléoducs, etc. Certaines compagnies pétrolières sont accusées d’avoir provoqué des déplacements de populations autochtones, voire des exterminations. Cependant certaines compagnies, soucieuses de leur image, mettent en avant leurs préoccupations environnementales, s’engageant à remettre intégralement le site en état et à veiller à une réhabilitation optimale et durable.
Le recul des forêts tropicales était déjà marqué à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La productivité des déboiseurs s’est accrue durant la seconde moitié du XXe siècle, avec la mécanisation et les aménagements routiers. Les forêts sont souvent parmi les victimes des guerres, comme au Laos et au Vietnam où les Américains ont détruit systématiquement d’immenses territoires.
Depuis la fondation de l’ONU en 1945, l’exploitation des forêts mondiales a été régulée par de multiples organisations. De rapports en programmes, les préoccupations relatives au recul des forêts tropicales et de la biodiversité qu’elles abritent se sont affirmées. Les Etats ont décidé de réguler ou interrompre les exportations et l’exploitation forestière. Mais il y a loin, parfois, entre les décisions et leur application. Les politiques forestières du Brésil en Amazonie depuis une cinquantaine d’années montrent bien l’évolution des mentalités et des pratiques.
En 2003, tandis que pour la FAO le protocole de Kyoto est entré en vigueur, « avec des conséquences majeures pour le secteur », Frédéric DURAND, Francis HALLE, et Nicolas HULOT proclament que désormais « Forêts tropicales : c’est fichu ! ».
Deux points de vue s’affrontent dans le débat sur l’avenir des forêts. Les forestiers, les grandes institutions (FAO) et les élites locales, rendent les paysans et les petits exploitants régionaux responsables de la déforestation. Les ONG, les églises, partis politiques, syndicats, associations locales, etc., dénoncent l’activité de prédation des grands groupes et des gouvernements complices. Les ONG, porteuses d’un discours à la fois mobilisateur et parfois réducteur, se sont placées « dans une triple position de juge, d’arbitre et d’acteur. »
L’exploitation des produits de la forêt
La forêt tropicale procure à ses habitants une grande diversité de matériaux et de produits nécessaires à leur vie quotidienne (constructions, outils, vannerie, instruments de musique, plantes médicinales…). L’alimentation combine souvent les produits de l’agriculture à ceux de la prédation (cueillette, chasse, pêche).
Le bois est aux trois-quarts un combustible et une source d’énergie (charbon de bois) dans le monde tropical, tandis qu’il est essentiellement utilisé comme matière première industrielle dans les pays du Nord. Les bois tropicaux ne constituent que 20% de la production mondiale de bois et leur commerce mondial porte de plus en plus sur des produits transformés comme les contreplaqués ou la pâte à papier. Les pays d’Asie du Sud-est (Indonésie, Malaisie, ThaÏlande) ont développé à grande échelle une industrie d’exploitation et de transformation du bois qui s’intéresse maintenant à l’Afrique.
L’agroforesterie associe sur une même parcelle des arbres et des cultures annuelles ou des prairies.
La forêt est la source d’une large gamme de produits non ligneux : fruits, gommes, résines, huiles, écorces, essences, fibres, substances médici­nales, colorants, etc, dont la révolution industrielle du XIXe siècle a révélé l’importance. La collecte du caoutchouc est, comme le cacao au XVIIe siècle, le modèle ancien de l’extractivisme (parfois réhabilité aujourd’hui), qui concerne aussi la noix du Brésil ou l’huile essentiel­le de bois de rose destinées au commerce international. Les « rois du caoutchouc » dirigeaient un réseau d’intermédiaires finançant les propriétaires des plantations menant la traque et l’extermination des Indiens. Au bas de l’échelle, les seringueiros chargés de recueillir le latex, réduits à un quasi-esclavage par un système d’endettement. Dans les années 1980, les seringueiros et les Indiens prirent conscience de la convergence de leurs intérêts à pré­server la forêt de l’exploitation intensive des forestiers et des éleveurs.
Outre des aliments (noix du Brésil, cœurs de palmiers), la forêt fournit au commerce international des plantes indispensables à la chimie et à la pharmacie qui en font des cibles de la biopiraterie. On estime qu’environ 40% des médicaments commercialisés par l’industrie pharmaceutique contiennent des sub­stances originaires des forêts tropicales.
La forêt amazonienne (Pérou, Colombie) abrite aussi la culture de la coca et le narcotrafic, suscitant les déboisements, la pollution des rivières et des bouleversements sociaux dans un climat d’extrême violence attisée par les groupes révolutionnaires.
Les peuples autochtones
Le respect des populations locales et de leurs droits faisait rarement partie des préoccupations des colonisateurs. Les Etats devenus indépendants n’ont pas toujours été plus attentifs. Puis les politiques ont visé à la sédentarisation des populations itinérantes et à leur acculturation - c’est-à-dire leur intégration, souvent en parallèle avec les missions chrétiennes, les discours mêlant le progrès technique et social avec le prosélytisme religieux. Les missionnaires peuvent être les principaux agents de l’acculturation : d’abord pacification et aide médicale, puis enseignement de l’agricul­ture, et enfin catéchèse et conversion à de la religion et à la morale catholiques. Tandis que les affrontements entre les communautés indigènes et les bûcherons sont de plus en plus fréquents, les missionnaires pacificateurs ouvrent la voie à la planification et aux multinationales.
Il faut attendre 1982 pour que les Nations unies reconnaissent l’existence de « peuples autochtones », définis comme les des­cendants des premiers habitants des territoires conquis. En 1992, le prix Nobel de la paix est attribué à une indienne du Guatemala, Rigoberta Menchu, en reconnais­sance de sa lutte pour la défense des droits des peuples indigènes des Amériques. Le célèbre Agenda 21 reconnaît (principe 22) que les « peuples autochtones » ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement et la préservation de la biodiversité, du fait de leurs connaissances et pratiques traditionnelles ; ce qu’a confirmé la Convention sur la diversité biologique, puis la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en septembre 2007 malgré l’opposition de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis.
Les associations fondées par les Indiens dans la plupart des pays d’Amérique latine, s’armant des droits qui leur sont constitutionnellement reconnus, ont pour vocation de défendre leur patrimoine matériel et spirituel, avec l’aide de tous ceux de l’autre camp qu’ils peuvent accepter comme alliés ou protecteurs.
Il existe encore des peuples autochtones qui vivent de la forêt presque de la même manière qu’il y a cinq cents, six cents ou mille ans, et que l’avancée des fronts forestiers et miniers menace d’aliénation, de dégradation et de mort culturelle, de maladies physiques contre lesquelles ils ne sont pas immunisés, de déportation ou d’extinction.
« Cela dit que pouvons-nous faire ? Agir à long terme, pour les aider à maîtriser leur futur, à obtenir une identité, un statut social qui s’intègre dans le système national du pays où ils demeurent géographiquement, et cela sans devoir sacrifier leur culture et leur vision propre de l’Univers. Sans perdre leur propre structure sociale, leur langue et leurs croyances. Sans quitter leurs terres ou les voir envahir. Sans immoler au nom du « progrès » cette incommensurable joie de vivre qui leur est propre. »
L’ONU lance la décennie pour la biodiversité : 2011-2020
10 ans pour que l’Homme vive en totale harmonie avec la Nature. 10 ans pour que les ressources naturelles soient correctement gérées… C’est l’objectif que l’ONU vient de fixer à toute l’humanité : faire de la prochaine décennie une période dédiée à la protection de la biodiversité
Sauver la biodiversité pour sauver les Hommes
Aide la Nature et la Nature t’aidera. C’est en substance le message lancé par Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations Unies il y a quelques jours, lors du lancement officiel de la décennie pour la biodiversité.
Celui-ci a exhorté toutes les populations à revenir à des valeurs proches de la Nature, pour notre génération et pour les générations à venir. Pour ce faire, il préconise la mise en oeuvre d’un plan stratégique sur la période de 2011 – 2020.
Ban Ki-Moon a ainsi déclaré : « La diversité biologique et les produits que nous en tirons sont vitaux pour l’humain et l’humanité grandissante et le développement réellement durable dépend de cette biodiversité »
En d’autres termes, tout l’enjeu est là : sauver la biodiversité pour sauver les Hommes.
Préserver les écosystèmes pour créer de l’emploi
L’ONU pousse chaque gouvernement à établir un plan stratégique visant à sauver la biodiversité en l’intégrant à tous les niveaux de l’économie comme l’urbanisme ou l’agriculture par exemple. Chaque gouvernement dispose de 10 ans pour participer activement à la protection de 8 millions d’espèces.
Selon Kiyo Akasaka, Secrétaire général adjoint des Nations Unies à la communication et à l’information, en maintenant une certaine stabilité des écosystèmes, on maintient des emplois. Ainsi il souligne : « Sauvegarder [les écosystèmes] aide aussi à préserver la croissance de l’emploi. Alors qu’il y a en ce moment une forte proportion de jeunes au monde, l’utilisation durable de la biodiversité n’est pas une approche écologique isolée, mais un pilier indispensable du développement durable pour les générations à venir ».
Sauver la biodiversité pour sauver l’économie, tout un programme !
Nous y sommes…Ici et maintenant à Die
Ecologie au Quotidien, Rhône-Alpes
Le Chastel 26150 DIE, France
Tel : 04 75 21 00 56       
Vidéos des Rencontres de l'Ecologie
Film de 1,56mn : http://www.terrealter.fr/voir.php?id=4
2009 Film de 2,30mn : http://www.dailymotion.com/video/xa2yh4_ecologie-au-quotidien_webcam?from=rss

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire