« La pente naturelle de la machine consiste à
rendre impossible toute vie humaine authentique » (Orwell)
Osez critiquer publiquement la technologie et vous
vous retrouverez qualifié d’obscurantiste, de nostalgique de la bougie et de
l’âge des cavernes, d’antihumaniste, voire de pétainiste nostalgique du
« retour à la terre ».
Le philosophe Günter Anders prédisait « une mort intellectuelle, sociale
ou médiatique » à ceux qui encourent ce risque. Or force est de constater que la technocratie qui règne sur le monde,
dédiée intégralement à l’efficacité, a effectivement à voir avec un processus
de domination totalitaire auquel l’homme est sans cesse condamné à s’adapter.
Dans un ouvrage synthétique, intitulé : « Technocritiques, du refus
des machines à la contestation des technosciences » (éditions La
Découverte, 2014), l’historien François Jarrige retrace le fil politique des
oppositions sociales et intellectuelles aux changements techniques.
On y croise luddites et
paysans réfractaires, mais aussi un Rousseau qui refuse de croire en la
libération du travail par la technique et propose de « proscrire avec soin
toute machine qui peut abréger le travail » ; un Charles Fourier,
annonciateur du dérèglement climatique ; un Gandhi lecteur de William
Morris, John Ruskin et Tolstoï ; et aussi Jacques Ellul, les penseurs de
la décroissance ou encore les militants de Pièces et main-d’œuvre (PMO).
Discussion avec l’auteur autour de ces résistances
qui refusent d’abdiquer face à la captation du futur par la technique.
- Qu’est-ce qui t’a porté vers cet objet de
recherche ?
François Jarrige : La question des oppositions et des résistances aux
changements techniques m’intéresse depuis longtemps. Ma thèse de doctorat
portait sur les ouvriers briseurs de machines au début du XIXe siècle. Comme
tout objet de recherche, le sujet du livre est au carrefour de plusieurs
influences scientifiques, universitaires ou plus personnelles. J’appartiens à
une génération née en même temps que le nouveau milieu technique qui émerge à
partir des années 1970 – modelé par l’informatique et les biotechnologies – or
la rapidité du processus et la prolifération des discours enthousiastes ne
cessent de m’intriguer.
D’un point de vue
historiographique, je me place sous la tutelle de l’historien Edward P.
Thompson, c’est-à-dire celle d’une histoire sociale « par en bas »,
qui se veut compréhensive à l’égard des acteurs, qui essaye d’aller au-delà de
ce que Thompson appelait la « condescendance de la postérité » – ce
mépris que nous, qui pensons être au sommet de l’évolution, portons sur les
acteurs du passé. C’est aussi en m’intéressant aux travaux des
socio-anthropologues des techniques, comme Alain Gras, que j’ai commencé à
réfléchir à la façon dont les sociétés passées pensaient leur rapport aux
techniques. Les historiens, de manière générale, se désintéressent de ce
domaine, parce qu’il pèse dessus la méfiance associée au « déterminisme
technique », qui voudrait ramener toute explication de la société à la
technique qui dominerait tout. Or, je pense qu’on ne peut pas la mettre de
côté, car elle façonne, sans le déterminer entièrement, le champ des possibles
de nos actions, de notre rapport au monde.
- Votre mise en perspective du rapport à la
technique nous fait saisir l’ancienneté du débat philosophique : l’homme
se sert-il de la machine ou sert-il la machine ?
Je crois qu’il y a un
problème dans le discours philosophique sur la technique, c’est qu’il en fait
une abstraction, détachée des rapports sociaux, beaucoup de penseurs ont
élaboré une ontologie de la technique en lien avec une réflexion sur la nature
de l’homme. Dans mon livre, j’ai plutôt essayé de relier les discours et
actions critiques à leur époque. Le rôle qu’on accorde à la technique, comme le
langage pour désigner ce qu’on appelle aujourd’hui technique, ne sont pas des
invariants historiques. Ainsi le terme « technique » comme catégorie
abstraite, tel qu’on l’entend aujourd’hui, n’émerge qu’au XVIIIe siècle.
Étymologiquement, la technique désigne l’art et « l’habileté à faire
quelque chose », mais ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparaissent
réellement les significations actuelles associant la technique à l’activité
productive et à la manipulation de l’environnement. Les termes
« machine » et « machinisme » envahissent le discours au
XIXe siècle. Après 1945, la notion de machine ne suffit plus pour désigner la
prolifération des objets et des produits industriels, donc on a forgé le
néologisme « technoscience », c’est-à-dire un nouveau stade de la
technique, qui ferait alliance avec les dispositifs de la science, des
laboratoires et de l’industrie. Donc, je ne me situe pas dans une dialectique
générale d’opposition pure entre l’homme et la machine. Même chez Ellul, ce qui
est contesté en premier lieu, c’est la technique moderne, fabriquée par le
grand capitalisme et sa sacralisation. J’essaie de décrire comment des acteurs
sociaux, paysans ou ouvriers, et des intellectuels ont protesté contre des
trajectoires techniques, parce qu’ils y voyaient d’abord des formes d’exploitation,
d’inégalités, de remises en cause de leur mode de vie, de dangers pour
l’environnement.
- D’ailleurs vous
nuancez l’idée reçue sur le mouvement luddite considéré comme une révolte
contre la mécanisation. Vous écrivez :
« Les travailleurs des débuts de l’ère industrielle ne se sont pas opposés
au machinisme naissant au nom d’une supposée misotechnie ou d’un refus
obscurantiste du progrès, ils se sont opposés à des “trajectoires
technologiques” qui menaçaient d’accentuer la discipline et d’éroder le contrôle
qu’ils détenaient sur leur savoir-faire et sur l’organisation du
travail. »
Le cas des luddites, ce
mouvement de briseurs de machines anglais des années 1811-1812, a frappé les
contemporains qui voyaient dans la « révolution industrielle » une
promesse considérable en termes de libération de la productivité. En réalité,
c’est un phénomène complexe qui s’inscrit dans un contexte social de crise
frumentaire, de hausse du chômage, de lois répressives, etc. Alors que les
industriels cherchaient à discipliner la main-d’œuvre, la machine devient un
symbole de cette lutte. De même, le monde agricole du XIXe siècle a été
structurellement récalcitrant à toute une série d’innovations, y compris pour
des outils aussi simples que la faux, qui mit du temps à remplacer la faucille.
Cette opposition des paysans a été interprétée comme une réaction de
« routine instinctive », de conservatisme atavique de paysans
arriérés. Or, si on s’intéresse au contexte social, à l’organisation du travail
et à la sociabilité des campagnes, on s’aperçoit qu’ils avaient d’excellentes
raisons de protester. Mais ces raisons n’étaient pas prises en compte par ceux
qui avaient le monopole de la parole dans l’espace public, qu’ils soient
experts ou observateurs sociaux. Aujourd’hui encore, dans les théories du
management, on mobilise le terme de « routine » pour désigner le
conservatisme à l’égard de toute « modernisation » ou modification
des pratiques de travail. Avec ce type de vocabulaire, on n’explique rien sauf à
vouloir délégitimer la défense de modes de vie éminemment respectables au
demeurant.
- D’ailleurs, vous constatez qu’au XIXe siècle, au
moment où les griefs s’accumulent contre les ravages de l’industrialisation,
les dégâts de la chimie, les accidents mécaniques, la dégradation de
l’environnement, « les nouvelles logiques industrielles tendent à
acclimater les dangers en les rendant acceptables au nom du progrès de la
nation ».
Le thème du risque, qu’on
pense être une notion récente, est présent dès le début du XIXe siècle, comme
l’ont montré notamment les historiens Jean-Baptiste Fressoz ou Thomas Le Roux.
Contrairement à la vision dominante, et rassurante, selon laquelle notre monde
serait enfin devenu conscient de ses dérives et de ses fragilités, notamment à
l’égard des ravages des choix techniques passés, l’histoire montre plutôt une
technicisation croissante en dépit des multiples critiques et mises en garde,
toujours repoussées comme catastrophistes ou trop pessimistes. Il a existé de
multiples façons d’acclimater les technologies dangereuses et contestées depuis
deux siècles en dépit de la conscience de leur risque. En France, le décret de
1810 crée par exemple le cadre législatif autorisant l’installation
administrative d’entreprises polluantes. Vers 1840, face aux critiques qui
mettaient en cause les procédés de fabrication dangereux et insalubres pour la
santé des ouvriers, les hygiénistes expliquaient que c’était d’abord le mode de
vie des classes populaires, l’alcoolisme, etc. qui étaient les vraies causes
des maladies. Ainsi, il fallait moraliser le peuple plutôt que transformer
l’appareil de production. Ce que la sociologue Sezin Topçu, qui a étudié les
contestations du nucléaire, appelle le « gouvernement de la
critique » n’a cessé d’accompagner les trajectoires techniques dangereuses
depuis deux siècles. Les critiques et les opposants n’ont cessé d’être
repoussés au moyen de multiples instruments policiers, juridiques ou
discursifs ; d’être peints comme de dangereux technophobes nostalgiques et
frileux, là où les promoteurs des dernières technologies sont décrits
immanquablement comme des héros apportant le « progrès ».
- Lors des émeutes de Roubaix en mars 1867, 20 000
tisserands se soulèvent contre l’arrivée de métiers perfectionnés – qui
réduisaient la main-d’œuvre, augmentaient les cadences, diminuaient les
salaires et introduisaient un règlement disciplinaire et un système d’amendes
–, les membres de l’Internationale les exhortent à respecter les
machines : « Ouvriers de Roubaix, quels que soient vos justes griefs,
rien ne peut justifier les actes de destruction dont vous vous êtes rendus
coupables. Songez que la machine, instrument de travail, doit vous être
sacrée ; songez que de pareilles violences compromettent votre cause et
celle de tous les travailleurs. » D’une manière générale, peut-on dire que
le mouvement ouvrier organisé a plutôt
accompagné le progrès industriel et
technologique ?
Il faut distinguer les
acteurs ordinaires, les ouvriers d’en bas, et les discours émanant de leurs
porte-parole et des organisations socialistes et syndicales. La critique des
machines qui était très large au début du XIXe siècle a peu à peu été
marginalisée comme un type de critique sociale illégitime. Une des nombreuses
raisons est la quête de respectabilité du mouvement ouvrier naissant. Lorsque
les membres de l’AIT [1] disent aux ouvriers
« Ne cassez pas les machines ! », c’est en fait un message
adressé à la bourgeoisie pour dire « nous sommes responsables et nous
sommes vos interlocuteurs ». Pour autant la critique de la technologie est
omniprésente dans le mouvement ouvrier et dans les conflits à la base. Mais ce
qui est d’abord condamné, ce sont les usages capitalistes de la machine. L’idée
qui va s’imposer chez les socialistes et ailleurs, c’est que la technique est
neutre et que seules comptent les conditions sociales de son utilisation. L’un
des grands arguments du syndicalisme, c’est de vouloir mettre la machine et les
progrès techniques, non plus au service du profit et du patronat, mais au
service de l’émancipation et de la collectivité. À cet égard, le mouvement
syndical a co-construit le monde industriel, et on peut dire qu’il est parvenu
au XXe siècle à modeler certaines conditions d’utilisation des techniques en
permettant d’en atténuer les dangers dans un certain nombre de cas : mises
en place de normes, de règles de travail, de protection. Mais le contrecoup de
cela, c’est la dépolitisation de l’objet technique, ramenée à une sorte d’angle
mort de la réflexion.
- Cela explique en partie la difficulté de
catégorisation politique des « technocritiques » ?
En gros, la question qui
revient constamment est : « La technocritique est-elle réactionnaire
ou progressiste ? » Dans l’état du discours public et l’imaginaire
social actuel, poser la question c’est déjà considérer la critique des
techniques comme réactionnaire – reste à savoir ce que recouvre la notion très
problématique de « la réaction », qui est héritée de la lutte entre
l’Ancien Régime et la Révolution. Or, les discours technocritiques ont souvent
été portés par des discours émancipateurs et égalitaires. Il existe aussi des
penseurs traditionnalistes, catholiques, comme Louis Veuillot, qui avaient
horreur des machines, symboles de la modernité, de la même manière qu’ils
avaient en horreur la démocratie ou le prolétariat dans lesquels ils voyaient
la remise en cause de l’ordre ancien. Toutefois, le réel intérêt de penser la
technocritique, c’est de décaler le regard par rapport aux catégories
politiques classiques. On constate d’ailleurs aujourd’hui à quel point la
dialectique gauche-droite est simpliste, quand on voit la similitude entre les
politiques de gauche et de droite. À cet égard, l’avènement de l’écologie
politique a joué un rôle important comme reconfiguration du champ politique en
intégrant à la réflexion sociale une préoccupation environnementale – qui est
également très largement une question sociale. Par ailleurs, la montée de
l’écologie politique a contribué à repenser et à repolitiser la technique, avec
les débats dans les années 1970, portés par Ivan Illich ou Lewis Mumford [2],
sur les technologies « alternatives » ou « douces »,
découplées des conditions capitalistes de production.
- Pour revenir à l’apogée de l’idéologie de la
technoscience, le slogan de l’Exposition universelle de Chicago en 1933 :
« La science trouve, l’industrie applique, l’homme s’adapte », ne
dit-il pas tout de l’aspect totalitaire de cette idéologie ?
Magnifique (rires). Les
années 1930 sont en effet un moment de cadrage modernisateur où la technologie
devient un ciment identitaire aux États-Unis, plus qu’en Europe, avec la
généralisation de l’automobile, la radio, les gratte-ciel, etc. Le mot
« machine » est omniprésent – Le Corbusier parle des « machines
à habiter » pour qualifier son projet architectural, on pense au film de
Chaplin Les Temps modernes, etc. –, c’est aussi un moment de remise en cause
radicale du monde industriel et technologique. On trouve donc cette remise en
cause chez des penseurs comme Simone Weil ou George Orwell qui affirmait à
cette époque que « la pente naturelle de la machine consiste à rendre
impossible toute vie humaine authentique ». La grande crise de 1929 va
contribuer à cette défiance vis-à-vis de la promesse d’abondance sur laquelle
repose la technologie. Les deux guerres mondiales vont être interprétées aussi
comme de formidables moments de démesure technologique : la première
guerre mondiale impulse les avions, l’artillerie lourde, la chimie, l’industrie
des transports, etc. En réaction les discours des entrepreneurs de technologies
affirment que s’il y a crise c’est que la société ne s’adapte pas assez vite.
D’une certaine manière la psychologie et les sciences sociales vont être mises
au service de cette adaptation. On affirme que la technique est neutre et
inéluctable, qu’il ne s’agit pas d’adapter la technique aux hommes mais
d’adapter les hommes à la technique.
- Vous
parliez d’Orwell, on pourrait aussi voir dans les récits dystopiques des
prophéties apocalyptiques qui contribuent à démoraliser les derniers espoirs
d’émancipation.
Le discours apocalyptique
de la perte de contrôle sur la technologie est un thème structurant de la
technocritique ; il apparaît dès le milieu du XIXe siècle. Je vois dans
cette tradition littéraire pessimiste une sorte de sidération face au devenir
du monde, même si les auteurs sont très divers, ils agissent comme des lanceurs
d’alerte. Leur fonction est justement d’être le miroir inversé des discours
technoprophétiques qui, eux, apparaissent normaux et légitimes. Depuis le
milieu du XIXe siècle, on investit la technique – le train, le télégraphe,
l’automobile, le nucléaire, les OGM, le numérique – des mêmes possibilités
formidables : la paix dans le monde, la disparition de la faim, l’entente
universelle, etc. Et aujourd’hui, cette propagande est omniprésente dans la
pub, dans les médias, dans le discours marketing comme dans le discours
politique. La technologie reste fascinante pour les hommes politiques car elle
leur permet d’éviter de penser ! Il suffit de s’en remettre aux promesses
de la technologie : on va équiper toutes les écoles en tablettes et il n’y
aura plus besoin de penser la crise de l’école.
- À l’ère de la consommation de masse, la
technologie s’est introduite de façon tentaculaire et à un rythme inédit dans
tous les espaces de la vie sociale. Günter Anders disait que la « grève
privée » ne changera rien à la colonisation par des faux besoins
technologiques, dont on se passait merveilleusement il y a vingt ans…
C’est une manière de poser
une question centrale aujourd’hui : où se situent les formes de résistance
collective ? D’une certaine manière, le syndicalisme a été une force
historique – certes imparfaite et inaboutie – de négociation et de façonnement
des trajectoires techniques. Aujourd’hui il y a tout un courant sur la
déconnexion volontaire face à la saturation du numérique. Dans la perspective
d’Anders, ce genre d’action individuelle, c’est du pipeau. C’est au contraire
une manière de dire : regardez, vous avez le choix de vous connecter ou pas.
Toujours le thème de la neutralité ou du mésusage des techniques. De même à la
croyance des hackers en leur capacité à subvertir la technique, on opposera
facilement l’argument qu’il faut être soi-même un formidable technicien. Or,
même si l’on vit dans un monde hypertechnologique, c’est aussi un monde où la
plupart des gens ne maîtrisent pas la technique. Évidemment, on n’a pas le
choix ! Car la technologie façonne le monde et ses trajectoires sont
modelées plus que jamais par des intérêts économiques et politiques
gigantesques et hyper-concentrés. On est dans un processus d’adaptation massive
à un rythme accéléré. Aujourd’hui, dans un cadre mondialisé, il n’y a plus
d’espace politique d’intervention possible, d’autant que tous les pouvoirs –
l’État ou les institutions internationales – s’en remettent à la technologie
comme solution à tous nos problèmes. A contrario, un des arguments majeurs de
la technocritique actuelle, à l’ère de l’anthropocène, c’est justement la mise
en avant des limites environnementales aux trajectoires technologiques en
cours, comme le numérique, qui demandent une mobilisation de matières premières
et d’énergies considérables.
- Paradoxalement, le discours actuel prétend que la
société technicienne est une société extrêmement fragile et vulnérable,
sentiment renforcé par la notion de risque et le principe de précaution.
Depuis une trentaine
d’années, les mobilisations qui mettent la technoscience au cœur de leur lutte
tendent à s’accroître : opposition à de grands projets industriels, lutte
anti-OGM, refus des technologies sécuritaires, etc. Ce ne sont pas des
mouvements « technophobes » stricto sensu et ils peuvent rassembler
des éléments très hétéroclites : des militants politiques, des riverains
contre les nuisances (pollution, risques) ou des mouvements plus professionnels
(éleveurs contre le puçage de leurs brebis). Ces luttes s’accompagnent d’une
remise en cause de la figure de l’expert et du technicien, d’où l’inquiétude
des autorités scientifiques, industrielles et politiques. C’est fascinant de
constater à quel point ces pouvoirs gigantesques s’inquiètent de l’influence de
groupes technocritiques marginaux. Certains ont été jusqu’à se fendre récemment
d’une tribune pour se plaindre de l’opposition grandissante de la société française
aux technologies [3].
Alors que dans les faits la critique de la technoscience se heurte
immédiatement à la disqualification et à la répression avec tout le discours
sur l’écoterrorisme. On construit un spectre : le technophobe qui
menacerait la civilisation. Parallèlement, les États essaient de multiplier les
dispositifs d’acceptabilité des produits technologiques. Cela confirme à mon
sens la démonstration que la technique est intégralement un phénomène
politique.
Notes
[1] Association internationale des travailleurs.
[2] Au sujet de Lewis Mumford, lire l’article de
François Jarrige dans Radicalité,
20 penseurs vraiment critiques, L’échappée, 2013.
[3] Cf. « La France a besoin de scientifiques
techniciens » par Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Alain Juppé et
Michel Rocard, Libération, 14 octobre 2013.
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