Le sport européen à l’épreuve du nazisme. Des J.O. de Berlin aux J.O. de Londres (1936-1948)
Photographies, affiches, cartes d’adhésions à des fédérations
sportives, etc. illustrent les relations complexes entre sports, corps et
régimes autoritaires ou totalitaires au XXe siècle et rappellent des
trajectoires humaines parfois tragiques. Des régimes totalitaires, fasciste et
nazi, qui ont mené des politiques sportives ambitieuses et discriminantes,
notamment à l’égard des Juifs, pour façonner leur « homme nouveau ».
Grande, élancée, cette athlète brune se prépare à lancer
son disque en 1937. Elle est photographiée non par Leni Riefenstahl, mais par Liselotte
Grschebina. Celle-ci est née en 1908 à Karlsruhe. Elle fuit le nazisme en 1934
et émigre en Palestine mandataire. Elle s’installe à Tel-Aviv et meurt en 1994
à Petah Tikva.
Du sport, cette exposition souligne
l’emprise sur les peuples, la politisation et la médiatisation. Elle évoque peu
l’Union soviétique – le club Dynamo est soutenu par le ministère de
l’Intérieur, plus particulièrement par la police secrète - ou le Japon.
Dans le premier espace, sont présentées des histoires
parallèles sous le thème Corps et sport
entre démocraties et totalitarismes et en deux allées : celle de
gauche évoque la destinée tragique du sport (1925-1948) - l’Italie
fasciste : le sport sous la devise « croire, obéir, combattre », Le sport
allemand aryanisé, Sport et monde Juif en Europe, entre émancipation et
exclusion, « Travail, famille, patrie… et sport » dans la France de Vichy, Le
sport dans les camps d’internement, « Sport » dans les ghettos et dans
l’univers concentrationnaire et Résister dans le sport et par le sport -
et celle de droite le mur sportif, d’une olympiade à l’autre : les Jeux du
Reich : propagande, boycott, performances, les contres-jeux ouvriers et
l’olympiade populaire de Barcelone, les Maccabiades, « premiers Jeux Olympiques
Juifs », adhésion sportive et engagement politique, l’olympiade sacrifiée de
1940 et Londres 1948 : des Jeux de sortie de guerre.
La seconde
salle est dédiée à des portraits de sportifs de sept disciplines : gymnastique
- Alfred Flatow et Gustav Felix Flatow -, escrime, sports de combat - boxeur
Victor « Young » Perez (1911-1945) -, sports aquatiques - Alfred Nakache et les
nageuses du club Juif viennois Hakoah -,
athlétisme, football - Matthias Sindelar - et sports de raquette - joueurs de
tennis Daniel Prenn et Gottfried von Cramm.
Le corps au service des régimes totalitaires
Les régimes
aspirent à modeler les corps pour impressionner les opinions publiques et
soumettre le sport à leur idéologie.
Comme
l’écrit l’historien George Mosse dans L'Image
de l'homme. L'invention de la virilité moderne : « Le fascisme et le
national-socialisme ont démontré les effrayantes possibilités de la virilité
moderne, une fois celle-ci réduite à ses fonctions guerrières. Cela aurait pu
ne pas se produire. On peut imaginer un idéal masculin qui eût été poussé du
côté du fair-play et des vertus chevaleresques ».
Les régimes
autoritaires et totalitaires ont mis en œuvre des politiques sportives
ambitieuses.
Les régimes
totalitaires ont instrumentalisé l’école, l’armée et les loisirs afin de
façonner le corps de « l’homme nouveau » et influer sur son esprit.
Ils ont aussi recouru à l’éducation physique et au sport envisagés comme « un
moyen d’améliorer la « race » et de préparer la guerre. D’où
l’intérêt plus marqué pour la natation et l’athlétisme qui assouplissent les
musculatures et sculptent les corps, pour le rugby et la boxe qui trempent les
caractères, pour les sports de vitesse comme l’automobile et l’aviation qui
donnent le goût du risque. D’où la méfiance vis-à-vis du football : un
sport-spectacle qui profite à des joueurs professionnels et qui rend
incontrôlables les foules de passionnés ».
Les bases
de la politique sportive des régimes fasciste italien et nazi allemand, de « leurs
imitateurs vichyste et franquiste, mais aussi de l’URSS » ? La « prise
de contrôle et l’épuration des fédérations sportives et de leurs clubs,
l’encadrement sportif des masses et le rayonnement à l’étranger des champions
et des équipes nationales constituent ». Dans sa dimension sportive, un corps
soumis étroitement à l’État et exhibé dans le stade, « lieu phare des
manifestations sportives », espace public de « cristallisation des
pratiques et des idéologies totalitaires ».
Le sport
était à la fois un mode de formation de « l’homme nouveau », un instrument du combat
idéologique immiscé jusque dans les stades et de mobilisation des masses, et un
lieu méconnu de la persécution des Juifs.
L’Italie fasciste : Le sport sous la devise « Croire,
obéir, combattre »
Fondateur
du Parti national fasciste (PNF), Benito Mussolini arrive au pouvoir en octobre
1922. Sous sa férule, l’Italie engage « une politique de développement
sportif de masse qui encadre l’activité physique sous l’autorité de l’État ».
En « reprenant
l’idée de la fonction militaire de la gymnastique, déjà largement répandue en
Europe au début du XXe siècle, le fascisme utilise le sport comme un moyen de
forger et d’embrigader les masses et surtout la jeunesse italienne. Mussolini
veut cette dernière dynamique, forte et fidèle à son chef, selon sa devise « Croire,
obéir, combattre » qui illustre le caractère violent du régime ».
Elément
central de l’investissement de l’Etat dans l’activité sportive et illustration
de l’idéologie fasciste : la construction des infrastructures sportives.
« Ainsi, l’inauguration des stades, toujours le 28 octobre, jour
anniversaire de la marche sur Rome (1922), devient l’occasion d’organiser des
fêtes fascistes et de mettre en scène le mythe de « l’homme nouveau » italien ».
Bénéficiant
d’une propagande dense, les victoires sportives sont instrumentalisées en succès
politiques : à l’étranger, elles glorifient le régime ; en Italie,
elles visent à renforcer « la cohésion sociale autour d’une conscience
nationale et de transformer les sportifs en héros civils ». Ainsi,
Champion du monde des poids lourds en 1933, Primo Carnera « devient le
symbole vivant de la force du régime. Il pose devant la presse internationale
en uniforme fasciste en faisant le salut romain ».
La « volonté
uniformisatrice », totalitaire du régime « se traduit par une
politique de fascisation qui embrasse tous les domaines de la société »,
dont les milieux sportifs. Le régime fasciste italien, totalitaire, encadre l’activité physique des
jeunes par un système d’organisation pyramidale qui débute « dès l’âge de
huit ans et la pratique obligatoire de la gymnastique se poursuit à l’âge
adulte ».
Vers
« le milieu des années 1930, le régime fasciste s’engage progressivement
sur la voie du racisme et de l’antisémitisme, un processus d’épuration des
milieux sportifs se met brutalement en place ». Des fédérations et
associations sportives tel le Club Alpino Italiano, et les clubs d’échecs et du
tennis édictent un règlement « aryen ». Adoptée en 1938, cette législation
antisémite exclut des Juifs de la société italienne, dont les activités
sportives.
Ainsi, le
boxeur Primo Lampronti est déchu de son titre et contraint de mettre un terme à
sa carrière. L’entraîneur hongrois Arpad Weisz qui, dans les années 1930, « avait
hissé les équipes Inter de Milan et Bologne au sommet du championnat de
football, doit quitter l’Italie et chercher refuge aux Pays-Bas d’où il est
déporté en 1942 à Auschwitz ».
Malgré tous ses efforts et sa propagande en faveur
d’un sport spectacle, le fascisme italien ne parvient pas à créer « un
homme nouveau » par sa politique sportive.
Le sport
allemand aryanisé
« Le
jeune Allemand doit être mince et élancé, agile comme un lévrier,
résistant comme le cuir et dur comme l'acier de Krupp ». Telle est la
description d’Adolf Hitler.
Ce qui
suppose un corps sculpté par une discipline sportive spéciale, d’airain.
Dès 1933,
les nazis « ont non seulement mis en œuvre la nazification de la culture
physique et des organisations sportives, mais également utilisé le sport à des
fins racialistes ».
De manière
plus extrémiste qu’en Italie, le sport allemand est donc « épuré » et
dirigé le chef SA de Dresde, Hans von Tschammer und Osten. Celui-ci devient Reichssportführer
en mai 1933. Il déclare que « l'âge de l'individualisme sportif a pris fin » et
que le sport est désormais « une obligation » pour tout Allemand. Le sport est également
« intégré dans la vie collective de la jeunesse à raison de 10 heures
hebdomadaires d'éducation physique pour « contrebalancer une éducation
scolaire » estimée « uniquement intellectuelle ». Enfin, jeunes filles et
femmes sont aussi astreintes à des activités physiques afin qu’elles « offrent
à l'État et au peuple (Volk) des
enfants en pleine santé ».
De plus,
les « fédérations sportives ouvrières sont interdites, les clubs chrétiens
sommés d'abandonner toute orientation religieuse, et les Juifs exclus des clubs
et des championnats allemands ».
En théorie,
les Juifs sont autorisés à s'inscrire soit dans les clubs sionistes Maccabi car
ils prônent l'émigration, soit dans les sociétés Schild des anciens combattants
Juifs visant à « propager le sentiment patriotique allemand dans les jeunesses Juives
».
En réalité,
ces deux mouvements affrontent de nombreux obstacles, en particulier pour
obtenir des terrains de jeux spécifiquement juifs, jusqu'à leur interdiction
définitive après la Nuit de cristal en novembre 1938. L'antisémitisme
d’État s’applique aux terrains publics de sport, aux piscines, aux lacs et
rivières utilisés pour nager... Les Juifs « n'ont même plus le droit de
monter à cheval, au motif qu’un cheval allemand ne saurait être en contact avec
un Juif ».
Sont aussi
persécutés les sportifs tsiganes sont également persécutés. Ainsi, « le
boxeur Sinti, Johann Wihlelm Trollmann, champion d’Allemagne en 1933 grâce à
son fameux jeu de jambes, se voit-il retirer son titre par les nazis ».
Judaïsme, sionisme et sport
Depuis « la plus haute Antiquité, la force et
la masculinité juives apparaissent de manière ambivalente », écrit Patrick
Clastres dans le passionnant catalogue de l’exposition. Et de citer les
personnages de Samson et de Salomon.
Cette
tradition de la force s’est illustrée dans des sports – le boxeur britannique
David Mendoza (1764-1836), le judoka Moshe Feldendkrais dans les années 1930 -,
les arts du cirque – le trapéziste américain d’origine hongroise Ehrich Weiss
(1874-1926) devient le célèbre prestidigitateur Houdini -, l’haltérophilie,
etc. Les combats de lutteurs professionnels, parfois parlant le yéniche (mélange d’allemand, d’hébreu,
de yiddish et de romani) passionnent des rabbins et des élèves des écoles
talmudiques d’Europe centrale et orientale.
L’émancipation
des Juifs européens s’accompagne de la pratique des sports, notamment de la
gymnastique, notamment en Allemagne.
« Nous
devons aspirer à créer de nouveau un « judaïsme du muscle, nous devons
devenir de nouveau des hommes aux torses saillants, avec des corps d’athlète
et au regard hardi et nous devons élever une jeunesse agile, souple et musclée
qui doit se développer à l’image de nos ancêtres, les Hasmonéens, les Maccabées
et Bar Kokhba. Elle doit parfaitement être à la hauteur des combats héroïques
de toutes les nations », écrit Max Nordau (1849-1923), né Simon Miksa
Südfeld, dans son appel lors du deuxième Congrès sioniste à Bâle, en 1898.
En 1913,
des clubs d’Europe centrale prennent le nom de Maccabi (« marteau »
en hébreu), d’après le nom de Macchabée, qui a fondé la dynastie hasmonéenne.
Certains imposent la langue hébraïque dans les stades.
Au tournant et au début du XXe siècle, dans les rangs sionistes, bundistes et communistes, dans les communautés Juives d’Europe - mouvements sportifs juifs ouvriers dans la Pologne de l’entre-deux guerres (Stern, Morgnshtern) - et du pourtour méditerranéen, de nombreux clubs sportifs sont créés – club Bar Kochba à Berlin (1898) qui ouvre dès 1900 une section féminine, club néerlandais Attila - et sont des espaces de sociabilité.
Lors des
premières dynasties (alyoth),
« les nouvelles cultures corporelles s’introduisent en Palestine
ottomane », sont diffusées dans les lycées et clubs à Rishon le Tsion – le
club se transforme en Maccabi de
Tel-Aviv en 1912 - ou Bar Giora dès 1906. La fédération des clubs Maccabi en
Palestine mandataire préfigure la structure sportive du futur Etat d’Israël.
Lors du
XIIe congrès sioniste à Karlovy Vary (Carlsbad) en Tchécoslovaquie (1921),
l’Union juive des clubs de gymnastique (UJCG), fondée en 1903, se mue en Union
mondiale du Maccabi (UMM) pour
regrouper les clubs d’Amérique, d’Afrique du nord et de
Palestine mandataire, et privilégier les sports sur la gymnastique. En 1937,
ces Maccabi regroupaient environ 200 000 membres de 27 pays, dont
30 000 de 250 clubs en Pologne.
Dès 1926,
est fondée à Tel-Aviv, une fédération sportive sioniste et socialiste appelée Ha-Poel (ouvrier en hébreu) placée sous
le contrôle du syndicat de travailleurs Histadrut.
Cette fédération s’implante en 1932 en Lituanie et en Lettonie, en 1935 en
Pologne…
Une
troisième organisation sportive sioniste est liée au Bétar.
Aux
Etats-Unis, jusqu'au XXe siècle, les Juifs sont exclus de quartiers aisés, d’hôtels, de stades, de
gymnases, etc. Dans les années 1920, les jeunes Juifs partagent les convictions
de leurs concitoyens sur les valeurs véhiculées par le sport. Même champions,
ces sportifs Juifs américains sont visés par des stéréotypes antisémites.
Deux associations
sportives juives marquent l’histoire du sport : le Morgnshtern et l’Hakoah. Le
club omnisports Hakoah de Vienne (« la force » en hébreu) est fondé en réaction
à l’interdiction faite aux athlètes Juifs d’intégrer les clubs autrichiens et
gagnent nombre de compétitions européennes. Ses membres arborent l’étoile de
David sur leur maillot.
Le
sport-roi pour les jeunes Juifs : le football, dans lequel s’illustre l’Hakoah
dans les années 1920 (victoire sur le West
Ham United, équipe réserve, en
1923).
Quant aux
femmes, elles sont attirées par deux modèles dominant dans cette première
moitié du XXe siècle : celui vantant les mérites de la santé par la
culture physique afin de renforcer la capacité à enfanter, ou celui de
« la sportive ».
Après le
refus du CIO (Comité international olympique) de
reconnaître l’UMM, Yosef Yekutieli suggère en 1929 au président du Fonds
national juif de créer des « Jeux olympiques Juifs » pour le 1800e
anniversaire de la révolte de Bar Kokhba (132-135 de l’ère vulgaire). Le Haut
commissaire britannique en Palestine Sir Arthur Wauchope conditionne son accord
à la participation d’athlètes arabes et des sportifs du mandat britannique. Du
28 mars au 6 avril 1932, les premières « olympiades Juives » ou
Maccabiades se
déroulent dans le stade de 20 000 places édifié spécialement près du
fleuve Yarkon, à Tel Aviv, ville de 50 000 habitants. Défilent 390
athlètes représentant 18 pays et 1 500 gymnastes. En nombre de médailles,
la Pologne devance l’Autriche et les Etats-Unis.
Les IIes Maccabiades (1935) attirent 1 350 sportifs de 28 pays. Malgré
les restrictions britanniques à l’aliyah
(Livres blancs en 1922 et 1930), des athlètes s’installent en Eretz Israël.
Des Maccabiades d’hiver ont lieu à Zakopane (Pologne) en 1933 et à Banska
Bystrica (Tchécoslovaquie) en 1936.
Les Maccabiades prévues en 1938 sont annulées en raison des persécutions
contre les Juifs en Europe et des troubles en Palestine mandataire.
Elles réapparaissent en 1950 avec 800 athlètes de 19 pays, en présence du
président Chaïm Weizmann et de David Ben Gourion.
La quatrième édition a lieu en 1953, puis les Maccabiades
auront lieu dans l’année suivant les Jeux olympiques.
Les Jeux du Reich, les « Jeux
d’Hitler » (1936)
En avril 1931, le CIO attribue à
Berlin les XIe Jeux Olympiques d’été.
Ces Jeux auraient pu ne pas se dérouler à Berlin car Hitler méprisait « la
croyance pathétique qui attribue au sport un rôle dans la réconciliation des
peuples, dans la paix mondiale, dans l'union des Nations, et dans la solidarité
internationale ».
Le Führer
est persuadé de leur importance par Goebbels qui lui fait miroiter « le
potentiel de propagande » de cette fête quadriennale de la jeunesse sportive
du monde.
Pour ces
Jeux, le ministère nazi de la Propagande produit à destination du monde entier
cartes postales, badges, bulletins d'information publiés en 14 langues
européennes, 200 000 posters traduits en 19 langues (dont un millier en
japonais) et quatre millions de brochures diffusées par la Compagnie allemande
de chemin de fer.
L’Allemagne
nazie entreprend des travaux importants pour prouver la « puissance
technologique et industrielle allemande : un stade de 100 000 places et des
équipements extérieurs pouvant accueillir 250 000 spectateurs, une tour géante
équipée d'une cloche olympique en bronze, deux nouvelles stations de métro, une
voie triomphale pour le défilé motorisé du Führer, un village olympique
ultramoderne pour héberger les 4 400 sportifs et les 360 sportives
sélectionnés ». Les dirigeants des Jeunesses nazies usent de tous les
moyens pour ramener des médailles comme, par exemple, « l’obligation faite
à l’hermaphrodite Herman Ratjen de concourir chez les femmes ».
Les Nazis refusent
« aux Noirs esclaves, aux Nègres, de disputer la palme de la victoire aux
hommes libres » ; ils s’opposent aussi à la sélection de Juifs dans leurs
équipes nationales. Sous la pression internationale, ils autorisent finalement
les athlètes juifs allemands à s’entrainer pour les épreuves qualificatives,
mais « ils ne leur offrent que des conditions d'entraînement misérables ».
Aux
États-Unis, malgré un appel à un boycott des Jeux, l’AAU (Amateur Athletic Union) donne son accord en décembre 1935, par
quatre voix de majorité, à la participation des athlètes américains.
Le mouvement
sportif européen s’est relativement peu mobilisé pour s’opposer aux Jeux de
Berlin.
L’opposition
la plus énergique provient de la Ligue internationale contre l’antisémitisme
(LICA), Comité mondial de la jeunesse et les deux Internationales sportives
ouvrières, socialiste et communiste.
Des
manifestations sont organisées à Amsterdam, à Prague, au Danemark, en Norvège,
à l’initiative d’émigrés allemands, d’artistes, de militants de gauche, de
défenseurs des droits de l’homme. Le « mouvement de boycott connaît
finalement son apogée à Paris avec l’organisation, par les communistes
français, de la conférence internationale pour le respect de l’Idée olympique
(6 et 7 juin 1936) ».
Les Jeux
Olympiques de Berlin (1936) « constituent le plus grand événement
médiatique des années 1930, et la plus grande démonstration de force nazie ».
Le 1er août
1936, alors que les croix gammées se mêlent aux anneaux olympiques, plus de 100
000 spectateurs emplissent le stade olympique de Berlin. Ils chantent «
Deutschland über alles » et « Horst Wessel Lied » à l’adresse des 53 nations représentées
par 4 500 athlètes et officiels. Ils se réjouissent quand la délégation
française se présente bras tendus devant la tribune d’honneur : ils croient que
le salut olympique est le salut nazi. Bientôt « s’avance un jeune « aryen
», le champion d’Allemagne du 1
500 m, qui embrase la vasque avec une flamme allumée
pour la première fois à Olympie » (Patrick
Clastres).
Quinze
jours plus tard, avec 89 médailles dont 33 en or, et de nombreuses places
d'honneur, les sportifs allemands montent sur la première place du podium pour
le plus grand plaisir des dignitaires nazis présents dans les tribunes. Vingt-trois
des médailles d’or du IIIe Reich concernent « des disciplines qui relèvent
des cultures pré-sportives (équitation militaire, haltérophilie gymnastique) ou
d’épreuves athlétiques où prime la force (poids, marteau, javelot) ». Le IIIe
Reich a atteint le firmament olympique.
Pourtant invaincus
depuis 1896, les Américains occupent la deuxième marche du podium (56 médailles
dont 24 en or).
Les
Hongrois se hissent au troisième rang grâce à leurs escrimeurs (16 médailles
dont 10 en or).
Sauf
quelques exceptions telle Gisela Mauermayer, les « Aryens » ont « subi la
loi des Afro-américains en athlétisme. Sans oublier celui dont les victoires
dépassent la seule histoire du sport : James « Jesse » Owens quadruple médaillé
d'or (100 m
en 10’’3, 200 m
en 20’’7, relais 4 x 100 m
en 39’’8, saut en longueur avec 8,06
m) ».
« Olympia, esthétique du corps masculin et hymne à la propagande nazie »
« Des
statues d’athlètes antiques qui prennent vie, un homme noir au corps souple et
musclé qui s’élance pour un 100
mètres, des compétiteurs allemands qui s’exercent nus
dans la campagne germanique dans l’attente de l’ouverture des Jeux. Religion de
l’athlète, record chronométré, « supériorité » de la race aryenne. Passé de
l’agonistique grecque, présent de l’athlétisme anglo-saxon, avenir de la culture physique allemande. Telle est la
démonstration produite par Leni Riefenstahl avec Olympia, projeté en avant-première le 20 avril 1937, en présence
d’Hitler ».
Les
compétitions olympiques à Berlin en août 1936 sont représentées « dans un
cadre esthétique conçu comme un hymne à la beauté et à la force aryennes ».
Bénéficiant
d’importants moyens financiers alloués par Goebbels, Leni Riefenstahl, jeune
danseuse et actrice devenue cinéaste, a pu réaliser une œuvre filmée d'une très
grande modernité.
Des « rails
de travelling le long de la piste du 100 m, une caméra-catapulte pour les épreuves
de saut, des caméras en mouvement sur l'eau et sous l’eau, des lentilles et des
focales jamais expérimentées, la possibilité de ralenti, le recours fréquent à
la contre-plongée pour donner une stature majestueuse aux athlètes »… Ces
innovations sont utilisées dans les 400 000 m de bobines et 200 minutes du film. La
« plastique des corps en mouvement envahit l’écran ».
En 1936, « dans
l’univers olympique, les images de propagande de Leni Riefenstahl, empreintes
de références à l’antiquité ».
L’Olypiade populaire de Barcelone et les Contre-Jeux ouvriers (1936)
En
1936, devait se tenir « l’Olympiade populaire, semaine du sport et du
folklore » à Barcelone (Espagne), avec des épreuves inédites (pelote
basque, échecs, tennis de table) et des sportifs représentant des Etats
non constitués : Algérie, Palestine, Juifs émigrés, Catalogne, Maroc
espagnol Maroc français, Euskadi.
Des menaces ont visé les sportifs Juifs.
Le déclenchement de la guerre d’Espagne annule la tenue de cette manifestation sportive.
Un nombre faible d’athlètes – Yask d’Anvers - s’engagent dans les Brigades internationales.
« Travail,
famille, patrie… et sport » dans la France de Vichy
Pour des
raisons politiques et esthétiques, la propagande de Vichy a accordé une
attention considérable au sport dont il a combattu le professionnalisme.
Né de la
défaite militaire (1940), le régime de Vichy est dirigé par le maréchal Pétain,
alors octogénaire, qui mène la « révolution nationale » et la
collaboration avec l’occupant allemand nazi. Il trouve dans le sport un support
adéquat pour « exprimer la régénération et la re-virilisation de la
nation, la vitalité de la jeunesse, l’esprit de sacrifice de « l'homme nouveau
» et son obéissance au chef ». Au « mousquetaire du tennis » Jean Borotra est
confiée la tache « de renforcer les corps et d'embrigader les esprits ».
Par la
Charte des sports du 20 décembre 1940, imitée de la Carta dello sport adoptée en Italie en 1926, le commissaire général
à l’Education générale et aux Sports (CGEGS) contrôle les fédérations sportives.
Il a également « l'ambition d’éduquer les masses par l'image du sport et
développe une importante propagande en ayant recourt à l'affiche, à la photographie,
à la radio, au documentaire ». La « propagande du CGEGS, dont
l'impact doit être relativisé, prend d'autres formes comme les matchs contre
des équipes allemandes et les manifestations publiques ». Une imagerie est
reproduite pour les jeunes et les clubs, la presse locale, des dirigeants
sportifs et des membres du gouvernement.
L'engouement
pour le sport des jeunes, des adultes, ou bien encore des jeunes filles et des
femmes, est bien réel, même s’il ne signifie pas un ralliement au régime de Vichy.
En effet, dans cette ère marquée par les privations et les inquiétudes, le
sport a pu servir de dérivatif.
Le régime
de Vichy privilégie les sports de base ou « purs », tels l'athlétisme et la
natation, et les sports violents comme le rugby à XV et la boxe.
Avec le
retour de Pierre Laval, chef du gouvernement dès avril 1942, Borotra est écarté
de sa fonction, puis déporté par les autorités allemandes pour « acharnement
patriotique » et Joseph Pascot , ancien officier de l'artillerie coloniale
et joueur de rugby à XV, directeur des sports dans le cabinet Borotra, est promu
commissaire général aux sports.
Pascot se
démarque de Borotra « par son culte de la personnalité, par un
autoritarisme accru, et surtout par sa complicité passive avec l’occupant, notamment
dans les persécutions antisémites. Les services de « Jep » Pascot vérifient les
conditions d'application de l'ordonnance allemande du 8 juillet 1942 qui
interdit aux Juifs « l'accès à toutes manifestations sportives, soit comme
participants, soit comme spectateurs, de même qu'aux plages et aux piscines ».
L’application de la législation antisémite par le CGEGS et certaines
fédérations, telle la Fédération française de pelote Basque, oblige les
sportifs à déclarer sur l’honneur qu’ils respectent les dispositions
de la loi du 2 juin 1941 (elle remplace la loi du 3 octobre 1940 portant statut
des Juifs).
Les
échanges entre le CGEGS, le Commissariat aux questions juives et l’UGIF (Union générale des israélites de France)
montrent
les formes variées d’exclusion des Juifs des activités sportives. L’étau se
resserre sur les sportifs Juifs et communistes. Les membres de la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail),
association sportive d'éducation populaire, sont poursuivis, et son secrétaire
général, Auguste Delaune est interpelé, interné, remis à la Gestapo et torturé
à mort. Les champions Alfred « Artem » Nakache,
nageur, et Victor « Young » Perez, (1911-1945) boxeur, sont déportés à Auschwitz.
Né à Tunis, Victor Young Perez a été champion du monde de boxe en 1931. Arrêté en septembre 1943, il est déporté au camp d’Auschwitz. Il est abattu lors de la Marche de la Mort.
Né à Tunis, Victor Young Perez a été champion du monde de boxe en 1931. Arrêté en septembre 1943, il est déporté au camp d’Auschwitz. Il est abattu lors de la Marche de la Mort.
En 1940, le
régime de Vichy veut « redresser » moralement et physiquement la jeunesse
française. Mission est confiée à un organisme nouveau, le Commissariat général
à l’éducation générale et aux sports qui « introduit l’autoritarisme
vichyste dans un espace social théoriquement neutre ».
« Sport »
dans les ghettos et dans l’univers concentrationnaire nazi
Dans les camps d'internement, dont celui de Pithiviers (France), certains pratiquent des activités sportives.
De pratique
autorisée dans les premiers camps de concentration et les ghettos, le sport est
transformé dans son essence par les Nazis pour devenir un supplice dans les
centres de mise à mort. En effet, « dans la phraséologie nazie, le terme
de « sport » a pu recouvrir différentes significations mortifères comme chasse
aux Juifs sans défense, humiliation physique, ou mise à mort ».
Dans la « première
période des camps de concentration de Dachau, Buchenwald, ou Poniatowa, les
déportés politiques rejoints par les prisonniers de guerre ont pu pratiquer le
sport, comme d’autres activités (théâtre, musique, conférences) ».
Dans les
ghettos – Lodz, Varsovie -, les populations organisent des séances de
gymnastique pour garder des « repères de normalité et de liberté ».
Pour les habitants Juifs des ghettos, les « exercices physiques peuvent
aussi être transformés par les persécuteurs en brimades et humiliations :
séances de gymnastique au sol dans les rues boueuses de Varsovie, flexions des
genoux avec les bras tendus en avant jusqu’à épuisement à Thessalonique, ou
bien encore courses de chevaux humains sous les huées à Minsk ». Le « processus
nazi de déshumanisation brouille les frontières entre la vie et la mort ».
Sur une partie du cimetière Juif de Lublin, des Juifs du ghetto de cette ville
polonaise sont contraints de construire le terrain de sport et le complexe
nautique de la SS.
À Terezín, « des
simulacres de courses sont imposées aux prisonniers pour tester leur aptitude
au travail forcé : leur performance déterminait leur survie. Survivre si, et
seulement, si on est vainqueur à la course ».
Dans les
centres de mise à mort, le sport se présente sous des formes extrêmes comme ces
quelques matchs de football attestés entre SS et Totenjüden à Belzec ou bien
entre SS et Sonderkommandos à Auschwitz. Les champions Juifs, lorsqu’ils sont
reconnus, sont très souvent humiliés et victimes de tortures « sportives ».
Résister
dans et par le sport
Des
résistants comme Marcel Rayman ou Rino Della Negra ont un passé sportif.
Les motifs
de la résistance ? Le « sursaut patriotique, le niveau de conscience
politique, le désir de vengeance, l’inconscience du danger souvent propre à la
jeunesse, l’effet d’entraînement qu’impliquent les liens de camaraderie et de
solidarité ».
Parmi « les
héros français du sport » dont les biographies sont publiées par Bernard Busson
en 1947, les « athlètes qui ont combattu sous l’uniforme en 1939-40 et en
1944-45 sont plus nombreux que les sportifs devenus combattants de l’ombre ».
En
Allemagne, quelques athlètes tels Werner Seelenbinder et Albert Richter ont
résisté au régime nazi, démontrant « une opposition à l’embrigadement et
l’idéologie officiels ». Pour avoir perdu et sympathisé avec Jesse Owens
lors des J.O. de Berlin (1936), le sauteur en longueur Carl Ludwig « Luz » Long
est affecté sur le front italien où il meurt en 1943 lors de la bataille de San
Pietro.
Les
activités sportives, lorsqu’elles sont autorisées, ont pu servir de couverture
à des formes d’organisation résistante. Ainsi, le préfet Bousquet dissout des
clubs de ping-pong parisiens au motif qu’ils dissimulent d’anciennes cellules
communistes. La section socialiste de Toulouse, qui refuse de se rallier au
nouveau conseil municipal, se reconstitue sous la forme d’une association
sportive. À Orléans, les dirigeants locaux de la résistance s’activent au sein
des clubs dans lesquels ils étaient déjà actifs avant-guerre. Les « déplacements
sportifs peuvent également couvrir des activités de résistance et les foules
des stades servir de refuge aux combattants ». Créé en 1941 par Robert
Mension et Auguste Delaune, Sport Libre est le seul mouvement sportif
clandestin français. Il illustre « la participation du sport ouvrier aux
combats de la Résistance et, plus précisément, un prolongement dans le stade de
l’action résistante communiste. Tandis qu’Auguste Delaune est arrêté par la
police de Vichy et torturé à mort en 1943, son camarade Robert Mension devient
l’un des principaux dirigeants des jeunesses communistes ».
Le sport, en
particulier « sous sa forme de culture physique, est un pourvoyeur
d’énergie et un reconstituant psychique. Les maquisards ont pu l’utiliser, par
exemple, pour se maintenir en forme et se préparer au combat. Après la
dissolution par Pierre Laval de l’École des cadres d’Uriage créée par le régime
de Vichy pour former l’élite française, l’animateur Joffre Dumazedier entre
dans la clandestinité et développe sa pédagogie du sport auprès des militants
ajistes de la région Rhône-Alpes ».
Ingénieur et
professeur d'éducation physique, le résistant Georges Loinger utilise ses activités
physiques et sportives, et de scoutisme, pour éduquer et sauver des enfants
Juifs en les faisant passer en Suisse.
Le sport, comme
défi dans les situations les plus dramatiques ? Le champion de natation
français Alfred Nakache et le jeune Noah Klieger nagent dans une citerne
d’Auschwitz à l’insu de leurs bourreaux. Pour « se prouver qu’ils n’ont
pas été privés de toute humanité, et aussi pour redonner courage à leurs
compagnons d’infortune ».
Sport, régimes totalitaires ou autoritaires et cinéma
Ces
relations complexes entre sport et régimes totalitaires ont inspiré de nombreux
films, dont Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl (Allemagne, documentaire, 1936), Le boxeur et la mort de
Peter Solan (Tchécoslovaquie, 1963) et L’Enclos
d’Armand Gatti, ancien déporté au camp de Lindemann (France, Yougoslavie,
1961) - dans ces deux films, l’action se déroule dans un camp de
concentration -, Alfred Nakache, le
nageur d’Auschwitz de Christian Meunier (France, documentaire, 2001), Albert Richter, le champion qui a dit non
de Michel Viotte (France, documentaire, 2005), Watermarks de Yaron Zilberman (Israël, France, Etats-Unis,
documentaire, 2006) sur l’Hakoah.
Londres
1948, des Jeux de sortie de guerre
Malgré la
paix et la liberté, l’après-guerre s’avère difficile et empli de défis à
relever : reconstruire des économies, transformer des économies de guerre
en économie de paix, relancer des sociétés et des démocraties affaiblies et
rendues exsangues par la Seconde Guerre mondiale… Tout ceci rend nécessaire au
préalable « la reconstitution des organismes et le ressourcement des
psychismes ».
La vie
quotidienne des Européens consiste à s’alimenter – les bons d’alimentation ont
encore cours -, à découvrir, et pour certains oublier, les atrocités (Shoah), récupérer un état de santé
anémiée par les privations. Ces priorités économiques et alimentaires basiques
passent avant les activités sportives.
C’est à
Londres, cité de résistance et bombardée, que le Comité international olympique
(CIO), confie la tache de relancer en 1948 le cycle olympique interrompu à
Berlin (1936) – les J.O. de 1940 sont annulés en raison du déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale. Organisés « dans la bonne humeur et grâce au
système D, les « jeux de l’austerity » sont présentés comme une contribution
britannique au relèvement du monde ».
Un an après
l’indépendance du sous-continent indien, les piètres résultats des athlètes
anglais, qui ne remportent que trois médailles, symbolisent plutôt un déclin de
l’Empire britannique. Grâce à l’absence des nations exclues, la France « sauve
son statut de grande puissance en terminant troisième, au nombre de médailles,
derrière les États-Unis et la Suède ».
Les
performances réalisées lors des Jeux Olympiques de Londres (29 juillet – 14
août 1948) sont souvent inférieures à celles de 1936, car les organismes sont
affaiblis. Douze années les J.O de Berlin, nombre de champions sont morts au
front, en résistant ou en déportation. Certains « font toutefois figure de
ressuscités » : le tireur au fusil philippin Martin Gison, arrivé
quatrième à Berlin, fait prisonnier par les Japonais et obligé de participer à
la marche de la mort de Bataan, le tireur au pistolet Karoly Takacs, champion
du monde par équipes pour la Hongrie en 1938, médaillé d’or à Londres avec sa
main gauche car il a perdu sa main droite à la suite de l'explosion d'une
grenade, le nageur français Alfred Nakache, éprouvé par sa déportation à
Auschwitz, est qualifié pour Londres mais sans pouvoir atteindre la finale du 200 m brasse.
Le cavalier
français André Jousseaume en dressage par équipe, l’épéiste italien Edoardo
Mangiarotti, le gymnaste suisse Michael Reusch, les Hongrois Jenö Brandi (polo),
Jozsef Varszegi (javelot), Aladar Gerevitch (sabre) et Ilona Helek (fleuret),
l'haltérophile américain John Terpak, le marathonien sud-africain Johannes
Coleman... Tels sont les athlètes ayant participé voire obtenu des médailles
aux Jeux Olympiques de 1936 et de 1948.
Ces Jeux de
Londres de l’année 1948 symbolisent le monde libre et la résistance au nazisme.
Itinéraires biographiques
Gretel
Bergmann
Expulsée de
son club d’athlétisme en 1933, elle se réfugie au Royaume-Uni où elle s’illustre
comme une championne nationale.
En
septembre 1935, la fédération sportive allemande d’athlétisme l’invite à
intégrer l’équipe olympique allemande qui s’entraine pour les Jeux Olympiques de
Berlin (1936). Le régime nazi tente ainsi d’apaiser les mouvements de
contestation exhortant au boycott de ces Jeux et de redorer l’image de
l’Allemagne en la présentant comme une nation pacifique ne discriminant pas les
Juifs. A Berlin, Gretel Bergmann s’entraîne avec l’équipe allemande.
Le 30 juin
1936, un mois avant les Jeux Olympiques, Gretel Bergmann saute 1,60 mètre et bat le
record d’Allemagne. A la fin du stage de préparation, elle est évincée de
l’équipe nationale allemande en alléguant des « performances insuffisantes ».
« Humiliée,
Gretel Bergmann s’exile en 1937 aux Etats-Unis où elle poursuit sa carrière
jusqu’en 1939. Après son mariage avec l’athlète Bruno Lambert, elle prendra son
nom, devenant Margareth Lambert ».
Son record
de 1936 ne sera reconnu par la fédération allemande d'athlétisme qu’en 2009.
Ilona Elek,
Helene Mayer et Ellen Preis
« Au
regard des lois nazies de Nuremberg, ce sont trois « demi-juives » (Mischlinge), qui occupent le podium
olympique du fleuret féminin à Berlin en 1936 ». Médaillée d’argent,
Helene Mayer effectue le salut nazi.
D'origine
juive par son père, médecin réputé et patriote, Helene Mayer jouit d’une
immense popularité en Allemagne depuis sa victoire aux jeux d'Amsterdam en 1928
à l'âge de 17 ans. En Californie, elle étudie le droit après les jeux de Los
Angeles. Là, elle apprend en 1933 sa radiation du club d’Offenbach.
« Incarnation
de la parfaite « aryenne » pour les nazis, se considérant elle-même comme
Allemande, elle répond favorablement à l'invitation d’Hitler de participer aux
Jeux de Berlin. Son ambition sportive et sa naïveté politique, davantage que la
crainte de représailles pour sa famille, en font la caution du régime nazi et
de tous les adversaires du boycott ». Elle continue sa carrière aux Etats-Unis,
puis revient vivre en République fédérale d’Allemagne (RFA), Allemagnede
l’ouest, après la Seconde Guerre mondiale.
Quant à ses
deux rivales, elles « connaissent une longévité olympique remarquable :
une nouvelle médaille d’or à Londres en 1948 et l’argent à Helsinki en 1952
pour la Hongroise Ilona Elek, le bronze à Londres et une honorable septième
place à Melbourne en 1956 pour l’Autrichienne Ellen Preis ».
Noah Klieger
Né en 1926
à Strasbourg, Noah Klieger est
Arrêté sur dénonciation, et déporté à Auschwitz le 15 janvier 1943.
Il échappe
à la sélection grâce au champion du monde des poids mouche Victor « Young »
Perez qui lui suggère de se présenter comme un boxeur. Il entre dans l’équipe
de boxe d’Auschwitz- III (Buna-Monovitz) créée par le commandant Schwartz. Les
combats se déroulent le dimanche d’octobre 1943 à mai 1944.
Après 1945,
ce journaliste embarque sur l’Exodus, fait
son aliyah, et combat pour
l’indépendance du pays.
Il écrit pour
Yediot Aharonot et L’Equipe.
Georges Loinger
Ingénieur et
professeur d'éducation physique, le résistant Georges Loinger utilise ses activités
physiques et sportives, et de scoutisme, pour influer positivement sur le moral
des enfants Juifs accueillis avant guerre et ceux réfugiés dans les quatorze «
maisons » de zone non-occupée, et fait passer des enfants Juifs en Suisse,
notamment via un terrain de sport d’Annemasse près de la frontière.
Le sport
sert alors à éduquer – « programmes sportifs et compétitions comme vecteur
d’épanouissement personnel et collectif » - et à sauver.
A la fin de
la guerre, Georges Loinger crée le service de l’éducation physique et
l’association Sport et Joie, et participe à l’aliyah clandestine vers la
Palestine mandataire.
Alfred Nakache
Né à Constantine,
Alfred Nakache devient, dans les années 1930, aux côtés de Jean Taris, une « figure
emblématique de la natation française » en multipliant les exploits
sportifs.
Surnommé « Artem », il « s’illustre
en brasse papillon et enchaîne titres, médailles et « Unes » de la presse. A
plusieurs reprises champion de France, il poursuit cette ascension sportive
jusqu’à l’été 1942.
Le régime
du Maréchal Pétain, tout en adoptant une législation antisémite qui fait des
Juifs de France des citoyens de seconde zone, autorise Alfred Nakache à nager
pour défendre les couleurs nationales ».
Mais « le
paradoxe ne dure pas : le champion est la cible des attaques des journaux
antisémites tandis que le Commissariat à l’Education générale et aux Sports lui
interdit de participer aux championnats de France en 1943 ».
Après
l’échec d’une tentative de fuite via l’Espagne, Alfred Nakache est arrêté en
1943, et déporté à Auschwitz en janvier 1944 avec sa femme et leur fille.
Celles-ci sont assassinées dès leur arrivée.
AlfredNakache est affecté au camp d’Auschwitz III-Monowitz. « Il nage encore. Il
s’agit parfois d’actes de résistance et de dignité humaine face à l’indicible ;
à d’autres reprises, dans le bassin de rétention d’eau, il est question de
l’arbitraire d’un garde SS qui lui impose une pratique de la nage, instrument
de soumission en allant chercher les clés et les cailloux qui lui sont lancés
au fond d’une citerne d’eau croupie et glacée. L’expérience concentrationnaire
vécue par Alfred Nakache est marquée du sceau de son statut de champion de
natation. Elle a largement contribué à construire l’image du « nageur
d’Auschwitz ».
De retour
des camps, Alfred Nakache parivent à reprendre la natation, à se faire
sélectionner aux Jeux Olympiques de 1948, douze ans après sa participation aux J.O.
de Berlin (1936).
A l'occasion du Yom HaShoah (19 avril 2012), la mairie de Netanya a donné le nom du nageur Alfred Nakache à la salle de sports de l'école Shaï Agnon de cette ville israélienne. Puis a été inaugurée la salle de sports du lycée Sharett qui désormais porte le nom du boxeur Victor Young Perez.
A l'occasion du Yom HaShoah (19 avril 2012), la mairie de Netanya a donné le nom du nageur Alfred Nakache à la salle de sports de l'école Shaï Agnon de cette ville israélienne. Puis a été inaugurée la salle de sports du lycée Sharett qui désormais porte le nom du boxeur Victor Young Perez.
Albert Richter
Albert Richter est l’un des plus grands coureurs cyclistes allemands de l’entre-deux-guerres.
Malgré
l’emprise des nazis, Richter demeure fidèle à son entraineur Juif, Ernst
Berliner.
Il est le
seul cycliste à s’opposer publiquement à l’autorité des Nazis.
Le 3
janvier 1940, Richter est retrouvé mort dans des circonstances non élucidées.
Le sport européen à l’épreuve du nazisme. Des JO de Berlin aux JO de Londres (1936–1948). Ed. Mémorial de la Shoah, 2011. 126 pages.
ISBN : 9782916966625
Visuels :
Affiche
Athlète au
disque.
Photographie
de Liselotte Grschebina, 1937. Liselotte Grschebina, photographe juive allemande, quitte l’Allemagne nazie en 1934 pour s’installer à Tel Aviv. Elle réalise en 1937 une série de photographies de sportifs juifs dont l'esthétisme n'est pas sans rappeler les sources d’inspiration et les réalisations de Leni Riefenstahl notamment pour son film Olympia. © Le Musée d’Israël, Jérusalem
Séance
de gymnastique lors d’une fête sportive à la maison d’enfants du château de
Chabannes. France, 25 août 1942.
La
photographie a été prise la veille de la rafle du 26 août 1942. Coll. Mémorial de la Shoah/CDJC/Fonds OSE/Coll. Rosner.
Groupe
d’étudiants à ski d’une université fasciste s’entrainant dans les Alpes
italiennes.
Italie,
années 1930. © AKG-images
Lanceur de
poids, lors du championnat du Maccabi et du Reichsbundes jüdischer
Frontsoldaten (RJF, association sportive des vétérans juifs d’Allemagne). Berlin,
Allemagne, 14 juillet 1935.
©
AKG-images/Abraham Pisarek.
Démonstration
effectuée par Moshe Feldenkrais au Jiu-Jitsu-Club de France.
Paris, 10
février 1939. Coll. Michel Brousse
Carte
postale publiée à l'occasion des IIe Maccabiades.
Tel Aviv,
Palestine mandataire, 2 au 10 avril 1935. Coll. Mémorial de la Shoah/CDJC.
L’Olympiastadion,
construit par les nazis pour les Jeux Olympiques de Berlin de 1936.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC.
Pas un athlète à Berlin ! Comité d’action
contre le déroulement des Jeux Olympiques à Berlin, France, 1936. Affiche,
[40,1 x 60,1 cm]. Coll. Mémorial de la Shoah/CDJC.
Luz
Long et Jesse Owens le long de la piste lors de la finale du saut en longueur
des Jeux Olympiques.
Berlin, Allemagne, 1936.
Coll. George Eisen
Le
sport, cette chevalerie moderne.
France, 1940.
France, 1940.
Affiche
éditée par le Commissariat général à l’Education générale et aux Sports. [123 x
166,5 cm]
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC.
Les
Messagers du Sport.
France,
1941. Affiche du film de propagande tourné au cours de la tournée Borotra en Afrique du Nord.
Coll. Mémorial de la Shoah/CDJC.
Armée
nouvelle.
France,
1941.
Coll.
Mémorial de la Shoah.
« Jeunesse et montagne ».
France, 1940-1944.
Affiche
éditée par le Commissariat à l’Education générale et aux Sports.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC.
Internés
membres du groupe sportif de la baraque 10 du camp d’internement de Pithiviers
(Loiret).
France,
mai 1941-juin 1942.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC/Coll. Krauzman
Le
« sport » dans le ghetto de Salonique.
Grèce, 1942.
Sous
les ordres des nazis, les Juifs sont obligés de faire des exercices sportifs
jusqu’à épuisement.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC.
Activités
sportives pour les enfants d’une maison du Secours suisse aux Enfants.
Chambon-sur-Lignon,
France, 1941-1944.
Coll.
Mémorial de la Shoah /CDJC/Auguste Bohny
Alfred
Nakache nageant le 200 m
papillon lors des championnats de France de natation.
Toulouse,
France, 1941.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC
Carte
postale éditée pour promouvoir les Jeux Olympiques de 1940.
Allemagne,
1939.
Les
Jeux Olympiques d’hiver de Garmisch-Partenkirchen et les Jeux Olympiques d’été
d’Helsinki sont annulés respectivement en novembre 1939 et en avril 1940 à
cause de la guerre.
Coll.
Mémorial de la Shoah/CDJC.
La
championne de saut en hauteur Gretel Bergmann remporte le record de saut
féminin avec 1,60 m
de hauteur au Championnat sportif du Reichsbundes jüdischer Frontsoldaten (RJF,
Association sportive des vétérans juifs d'Allemagne) sur le terrain de sport de
la communauté sportive de Berlin-Grünewald.
Berlin, Allemagne, juillet 1936.
©
Bildarchiv Pisarek/AKG-images
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