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lundi 8 octobre 2012

Les dictatures sont aussi économiques....

La stratégie du choc (extraits), par Naomi Klein.


Tenir une idéologie pour responsable des crimes commis en son nom: l’entreprise exige beaucoup de prudence. Il est trop facile d’affirmer que ceux dont nous ne partageons pas le point de vue sont non seulement dans l’erreur, mais de plus tyranniques, fascistes, génocidaires. Il est vrai également que certaines idéologies représentent un danger pour le public et doivent être identifiées comme telles. On songe en particulier à la fermeture des idéologies fondamentalistes, incapables de coexister avec d’autres systèmes de croyance; leurs disciples dénoncent la diversité et exigent de disposer d’une liberté absolue pour installer leur modèle parfait. Ils veulent détruire le monde tel qu’on le connaît pour faire place à leur invention de puristes. Cette logique, nourrie des fantasmes bibliques du déluge et du grand incendie, conduit inéluctablement à la violence. Les idéologies qui aspirent à cette impossible « table rase », condition qu’on ne peut obtenir qu’au prix d’un cataclysme, sont dangereuses.
Habituellement, ce sont les idéologies religieuses et radicales extrêmes qui proposent l’oblitération de cultures et de peuples entiers comme condition de l’avènement d’un monde nouveau, épuré. Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, toutefois, on a pris conscience des crimes ignobles commis au nom du communisme. (…) Partout dans le monde, des spécialistes participent à des débats enflammés et se demandent si les atrocités sont imputables à l’idéologie proprement dite ou aux aberrations de ses tenants, dont Staline, Ceauşescu, Mao et Pol Pot.
(…) Il ne s’ensuit pas nécessairement que toutes les formes de communisme sont par nature génocidaires, comme autant l’ont affirmé avec jubilation, mais c’est indiscutablement une interprétation de la théorie communiste doctrinaire, autoritaire et hostile au pluralisme qui explique les purges de Staline et les camps de rééducation de Mao. Le communisme autoritaire porte -et devrait porter- les stigmates de ces laboratoires du réel.
Qu’en est-il, cela étant, de la croisade menée pour la libéralisation des marchés? On n’a jamais qualifié de crimes capitalistes les coups d’État, les guerres et les massacres qui avaient pour but d’installer et de maintenir en place des régimes favorables à la libre entreprise. Pour les expliquer, on invoque plutôt les excès de dictateurs trop zélés ou les « fronts chauds » de la Guerre froide et, aujourd’hui, de la guerre contre le terrorisme. Quand les plus fervents opposants du modèle économique corporatiste sont éliminés systématiquement, comme ils l’ont été en Argentine dans les années 1970 et comme ils le sont à présent en Irak, on fait allusion au sale boulot que suppose la lutte contre le communisme ou le terrorisme -et presque jamais à la lutte en faveur de l’avancement du capitalisme à l’état pur.
Je ne dis pas que les régimes capitalistes sont par nature violent. Il est tout à fait possible de mettre en place une économie de marché n’exigeant ni une telle brutalité ni une telle pureté idéologique. La libre circulation des biens de consommation peut très bien cohabiter avec des services de santé publics et gratuits, des écoles publiques et l’assujettissement de vastes pans de l’économie -une société pétrolière nationale, par exemple- au contrôle de l’État. De la même façon, il est tout à fait possible de contraindre les employeurs à verser des salaires décents et à respecter le droit à la syndicalisation des travailleurs, cependant que les gouvernements prélèvent des impôts et redistribuent la richesse de manière à réduire les inégalités marquées qui caractérisent l’État corporatiste. Rien ne dit que les marchés doivent être fondamentalistes. (…) Le capitalisme prôné par l’École de Chicago a effectivement un point commun avec d’autres idéologies dangereuses: la recherche d’une pureté inaccessible, d’une table rase à partir de laquelle bâtir une société modèle entièrement revue et corrigée.

(En 2005), parmi ceux pour qui les eaux de crue de La Nouvelle-Orléans étaient synonymes de « superbes occasions » se trouvait Milton Friedman, grand gourou du mouvement en faveur du capitalisme sans entraves. C’est à lui qu’on attribue la paternité du credo de l’économie mondialisée contemporaine, caractérisée par l’hypermobilité. Âgé de 93 ans et de santé fragile, « Oncle Miltie », ainsi que l’appelaient ses partisans, trouva malgré tout la force d’écrire un article pour la page d’opinions du Wall Street Journal, trois mois après l’effondrement des digues : « La plupart des écoles de La Nouvelle-Orléans sont en ruine, faisait-il observer, au même titre que les maisons des élèves qui les fréquentaient. Ces enfants sont aujourd’hui éparpillés aux quatre coins du pays. C’est une tragédie. C’est aussi une occasion de transformer de façon radicale le système d’éducation. »(1)
L’idée radicale de Friedman se résume comme suit : au lieu d’affecter à la remise en état et au renforcement du réseau des écoles publiques de La Nouvelle-Orléans une partie des milliards de dollars prévus pour la reconstruction de la ville, le gouvernement devrait accorder aux familles des « bons d’études » donnant accès à des écoles privées (dont bon nombre à but lucratif) subventionnées par l’État. Il était essentiel, selon Friedman, que ce changement fondamental constitue non pas une solution provisoire, mais au contraire une « réforme permanente(2) ». (…)  Aux yeux de Milton Friedman, (…) l’idée même d’un réseau d’écoles administré par l’État empeste le socialisme. Pour lui, l’État a pour unique fonction « de protéger notre liberté contre ses ennemis extérieurs et contre nos concitoyens eux-mêmes : il fait régner la loi et l’ordre, il fait respecter les contrats privés, et il favorise la concurrence(3)». En d’autres termes, il s’agit de fournir les policiers et les soldats – tout le reste, y compris l’éducation publique gratuite, n’est qu’ingérence au sein des marchés.
Contrairement à la réfection des digues et au rétablissement du réseau électrique, la vente aux enchères du réseau scolaire de La Nouvelle-Orléans s’effectua avec une rapidité et une précision toutes militaires. Dix-neuf mois après les inondations, alors que la plupart des pauvres de la ville étaient encore en exil, presque toutes les écoles publiques de La Nouvelle-Orléans avaient été remplacées par des écoles à charte exploitées par le secteur privé. Avant l’ouragan Katrina, le conseil scolaire comptait 123 écoles ; il n’en restait plus que 4. Il y avait alors 7 écoles à charte ; elles étaient désormais 317. Les instituteurs de La Nouvelle-Orléans étaient représentés par un syndicat puissant ; leur convention collective était dorénavant réduite en lambeaux, et les quelque 4 700 membres du syndicat licenciés. Certains jeunes instituteurs furent réembauchés par les nouvelles écoles à charte, où ils touchaient un salaire nettement inférieur qu’auparavant. Bien d’autres n’eurent pas cette chance.
(…) J’appelle « capitalisme du désastre » ce type d’opération consistant à lancer des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de cataclysmes et à traiter ces derniers comme des occasions d’engranger des profits. L’intervention de Friedman sur La Nouvelle-Orléans contenait son ultime recommandation publique : en effet, il mourut moins d’un an plus tard, le 16 novembre 2006, à l’âge de 94 ans. La privatisation du réseau d’écoles publiques d’une ville américaine de taille moyenne peut passer pour un enjeu modeste, s’agissant d’un homme considéré comme l’économiste le plus influent de la deuxième moitié du siècle dernier. Friedman comptait parmi ses disciples quelques présidents des États-Unis, des premiers 15 ministres britanniques, des oligarques russes, des ministres des Finances polonais, des dictateurs du tiers-monde, des secrétaires du Parti communiste chinois, des administrateurs du Fonds monétaire international et les trois derniers chefs de la Réserve fédérale des États-Unis. Pourtant, sa détermination à profiter de la crise de La Nouvelle-Orléans pour faire progresser une version fondamentaliste du capitalisme signait à merveille les adieux de ce professeur énergique d’un mètre cinquante-sept à peine qui, dans ses jeunes années, s’était décrit lui-même « comme un prédicateur à la mode d’autrefois en train de prononcer le sermon du dimanche »(4). Pendant plus de trois décennies, Friedman et ses puissants disciples avaient perfectionné leur stratégie : attendre une crise de grande envergure, puis, pendant que les citoyens sont encore sous le choc, vendre l’État, morceau par morceau, à des intérêts privés avant de s’arranger pour pérenniser les « réformes » à la hâte. Dans l’un de ses essais les plus influents, Friedman définit le remède universel que propose le capitalisme moderne et énonce ce que j’en suis venue à considérer comme la « stratégie du choc ». « Seule une crise – réelle ou supposée – peut produire des changements, fait-il observer. Lorsqu’elle se produit, les mesures à prendre dépendent des idées alors en vigueur. Telle est, me semble-t-il, notre véritable fonction : trouver des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles deviennent politiquement inévitables. »
Pinochet et les hommes de la Junte, le 19 septembre 1973, huit jours après le coup d'état et le meurtre de Salvador Allende.
(…) Selon Friedman, « un nouveau gouvernement jouit d’une période de six à neuf mois au cours de laquelle il peut opérer des changements fondamentaux. S’il n’en profite pas pour agir avec détermination, une telle occasion ne se représentera plus ». Variation sur un thème cher à Machiavel, selon qui le mal devait « se faire tout d’une fois », cette idée constitue l’un des legs stratégiques les plus durables de Friedman. C’est au milieu des années 1970, à l’époque où il conseillait le général Augusto Pinochet, dictateur chilien, que Friedman eut pour la première fois l’occasion d’exploiter un choc ou une crise de grande envergure. Au lendemain du violent coup d’État orchestré par Pinochet, les Chiliens étaient sans contredit en état de choc. De plus, le pays était aux prises avec les traumatismes causés par une hyperinflation galopante. Friedman conseilla à Pinochet de procéder aussitôt à une transformation en profondeur de l’économie – réductions d’impôts, libéralisation des échanges commerciaux, privatisation des services, diminution des dépenses sociales et déréglementation. Bientôt, les Chiliens virent même leurs écoles publiques remplacées par des écoles privées auxquelles donnaient accès des bons d’études. C’était la métamorphose capitaliste la plus extrême jamais tentée. On parla désormais de la révolution de l’« école de Chicago », de nombreux économistes de Pinochet ayant étudié à l’université de Chicago sous la direction de Friedman. Ce dernier prédit que la soudaineté et l’ampleur des changements économiques provoqueraient chez les citoyens des réactions psychologiques qui « faciliteraient l’ajustement(5)». Friedman créa l’expression « traitement de choc » pour parler de cette douloureuse tactique. Au cours des décennies suivantes, les gouvernements qui imposèrent de vastes programmes de libéralisation des marchés eurent justement recours au traitement de choc ou à la « thérapie de choc ». Pinochet, lui, facilita l’« ajustement » au moyen d’une autre forme de chocs : dans les nombreuses salles de torture du régime, les corps qui se convulsaient sous l’effet de la douleur étaient ceux des personnes les plus susceptibles de s’opposer à la transformation capitaliste.
En Amérique latine, nombreux sont ceux qui établirent un lien direct entre les chocs économiques qui se soldèrent par l’appauvrissement de millions de personnes et l’épidémie de tortures qui punirent dans leur chair des centaines de milliers de personnes qui rêvaient d’une autre forme de société. D’où la question posée par l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano : « Comment préserver cette inégalité autrement que par des décharges électriques ? » Exactement trente ans après que ces trois formes de chocs eurent frappé le Chili, la formule reprend du service en Irak, de façon beaucoup plus violente. Il y eut d’abord la guerre, qui, selon les auteurs de la doctrine militaire des États-Unis Shock and Awe (parfois traduite par « choc et effroi »), avait pour but « de contrôler la volonté, les perceptions et la compréhension de l’adversaire et de le priver de toute capacité à agir et à réagir ». Vint ensuite la thérapie de choc économique, imposée, à l’heure où le pays brûlait toujours, par l’émissaire chef des États-Unis, L. Paul Bremer : privatisations massives, libre-échange sans restrictions, taux d’imposition uniforme de 15%, réduction spectaculaire de l’appareil d’État. Le ministre du Commerce par intérim de l’Irak, Ali Abdel-Amir Allaoui, déclara à l’époque que ses compatriotes en avaient « assez de servir de cobayes à des expériences. Après tous les chocs auxquels le système a été soumis, ils n’ont pas du tout envie que l’économie subisse le même sort ». En cas de résistance, les Irakiens étaient arrêtés et jetés dans des prisons où leur corps et leur esprit subissaient d’autres chocs, ceux-ci beaucoup moins métaphoriques.
Après les attentats du 11 septembre, Washington s’estima dispensé de demander aux pays concernés s’ils voulaient bien « du libre-échange et de la démocratie » à la mode états-unienne ; il recourut simplement à la force militaire inspirée de la doctrine « choc et effroi ». En réfléchissant à la progression de cette vision des marchés qui règne désormais un peu partout sur la planète, je me rendis toutefois compte que l’idée d’exploiter les crises et les désastres était le modus operandi du mouvement de Milton Friedman depuis ses débuts – de tout temps, cette forme de capitalisme fondamentaliste a dû compter sur les catastrophes pour progresser. Les catastrophes « facilitatrices » se font maintenant plus destructrices et plus horribles, sans doute, mais la situation observée en Irak et à La Nouvelle-Orléans n’est pas le fruit d’une nouvelle invention consécutive au 11 septembre. Au contraire, l’exploitation effrontée des crises est l’aboutissement de trois décennies d’application stricte de la stratégie du choc. Vues sous cette optique, les trente-cinq dernières années apparaissent sous un jour sensiblement différent. On avait jusque-là tendance à voir certaines des violations les plus flagrantes des droits de l’homme comme des actes sadiques dont se rendaient coupables des régimes antidémocratiques. En fait, il s’agissait plutôt de mesures prises dans le dessein de terroriser la population et de préparer le terrain à l’introduction de « réformes » radicales axées sur la libéralisation des marchés. Dans l’Argentine des années 1970, la junte fit « disparaître » 30 000 personnes, pour la plupart des militants de gauche, afin d’imposer les politiques de l’école de Chicago ; à la même époque, le Chili eut recours à la terreur pour accomplir sa métamorphose économique. Dans la Chine de 1989, le massacre de la place Tiananmen et l’arrestation de dizaines de milliers de personnes permirent aux communistes de transformer une bonne partie du pays en une gigantesque zone d’exportation, où travaillent des salariés trop terrifiés pour faire valoir leurs droits. Dans la Russie de 1993, la décision prise par Boris Eltsine de lancer les chars d’assaut contre le Parlement et de faire emprisonner les chefs de l’opposition pava la voie à la privatisation précipitée qui engendra les célèbres oligarques du pays. Au Royaume-Uni, la guerre des Malouines, survenue en 1982, eut le même effet : le désordre et l’élan nationaliste nés de la guerre permirent à Margaret Thatcher de recourir à une force extraordinaire pour étouffer la grève des mineurs du charbon et lancer la première vague de privatisations effrénées en Occident. En 1999, les bombardements de Belgrade par l’OTAN créèrent des conditions favorables à des privatisations rapides en ex-Yougoslavie – objectif du reste antérieur à la guerre. La politique économique ne fut pas le seul facteur à l’origine de ces conflits, bien sûr, mais chacun de ces chocs collectifs servit à préparer le terrain au traitement de choc économique. Les traumatismes ayant servi à affaiblir les résistances ne furent du reste pas toujours ouvertement violents.
(…) En Amérique latine et en Afrique, dans les années 1980, c’est la crise de l’endettement qui obligea les pays « à privatiser ou à crever », selon la formule d’un ex-représentant du FMI(6). Minés par l’hyperinflation et trop endettés pour dire non aux exigences dont s’assortissaient les nouveaux prêts, des gouvernements acceptèrent le traitement de choc dans l’espoir qu’il les préserverait de l’effondrement. En Asie, c’est la crise financière de 1997-1998 – presque aussi dévastatrice que la Grande Dépression – qui affaiblit les « tigres » asiatiques et les obligea à ouvrir leurs marchés à ce que le New York Times appela la « plus grande vente de faillite du monde(7) ». Bon nombre de ces pays étaient des démocraties, mais les transformations radicales visant la libéralisation des marchés ne furent pas imposées de façon démocratique. En fait, ce fut exactement le contraire : conformément aux prévisions de Friedman, le climat de crise généralisée permettait de faire fi de la volonté des électeurs et de céder le pays aux « technocrates » de l’économie. Dans certains cas, bien entendu, l’adoption des politiques de libéralisation des marchés se fit de façon démocratique, quelques politiciens ayant été portés au pouvoir malgré des programmes draconiens : l’élection de Ronald Reagan aux États-Unis et, plus récemment, celle de Nicolas Sarkozy en France en constituent des exemples frappants. Dans de tels cas, cependant, les croisés du libéralisme économique se heurtent à l’opposition du public et doivent adoucir ou modifier leurs projets radicaux, accepter les changements à la pièce plutôt qu’une reconversion totale. On voit bien que le modèle économique de Friedman, s’il est en partie compatible avec la démocratie, a besoin de conditions totalitaires pour être imposé dans son expression la plus pure. Pour que le traitement de choc économique soit appliqué sans contrainte – comme ce fut le cas au Chili dans les années 1970, en Chine à la fin des années 1980, en Russie dans les années 1990 et aux États- Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 –, on doit compter sur un traumatisme collectif majeur, lequel entrave ou suspend provisoirement l’application des principes démocratiques. Cette croisade idéologique prit naissance au sein des régimes autoritaires d’Amérique du Sud ; dans les territoires nouvellement conquis – la Russie et la Chine –, elle cohabite encore aujourd’hui, sans difficulté et de façon rentable, avec un régime à la poigne de fer.
(…)
Dans le déluge de mots écrits en hommage à Milton Friedman après sa mort, on souligna à peine l’importance que revêtent les chocs et les crises pour l’avancement de sa vision du monde. Le décès de l’économiste fut plutôt l’occasion de récrire l’histoire officielle et de rappeler que le capitalisme radical qu’il prônait faisait désormais figure d’orthodoxie gouvernementale dans presque tous les coins du monde. C’était un véritable conte de fées, débarrassé des violences et des contraintes si intimement mêlées à cette croisade. Elle représente à n’en pas douter la campagne de propagande la mieux réussie des trois dernières décennies. L’histoire va comme suit.
Pendant toute sa vie, Friedman livra une pacifique bataille d’idées à ceux qui soutenaient que les gouvernements avaient la responsabilité d’intervenir au sein des marchés afin d’en émousser les aspérités. Il était d’avis que l’Histoire avec un grand H avait “commencé du mauvais pied” lorsque des politiciens avaient prêté l’oreille à John Maynard Keynes, l’intellectuel à l’origine du “New Deal” et de l’État-providence moderne. À la suite du krach de 1929, un solide consensus avait émergé: le laisser-faire était un échec et les gouvernements avaient l’obligation d’intervenir dans l’économie afin de redistribuer la richesse et de réglementer les entreprises. Pendant ces années sombres pour la doctrine du laisser-faire – durant lesquelles le communisme faisait la conquête de l’Est, que l’Occident misait sur l’État-providence et que le nationalisme économique s’enracinait dans le Sud post-colonial -, Friedman et son maître à penser, Friedrich Hayek, entretinrent patiemment la flamme du capitalisme à l’état pur en la défendant contre les tentatives keynésiennes de mettre les richesses en commun pour créer des sociétés plus justes.
“Selon moi, écrivait Friedman dans une lettre adressée à Pinochet en 1975, l’erreur principale fut de croire qu’il était possible de faire le bien avec l’argent des autres.” Peu l’écoutèrent; la plupart des gens étaient d’avis que les gouvernements pouvaient et devaient faire le bien. Dans un article dédaigneux du magazine Time de 1969, on décrivit Friedman comme un “lutin ou un enquiquineur”, un prophète adulé par une poignée d’élus. Friedman passa donc des décennies dans une sorte d’exil intellectuel. Vinrent enfin les années 1980 et les règnes de Margaret Thatcher (qui qualifia l’économiste de “combattant pour la liberté intellectuelle”), et de Ronald Reagan (qu’accompagnait, pendant la campagne présidentielle, un exemplaire de Capitalisme et liberté, véritable manifeste de Friedman). Enfin, des dirigeants politiques avaient le courage d’imposer dans le vrai monde des marchés libres de toute entrave. Selon cette histoire officielle, la libéralisation pacifique et démocratique de leurs marchés respectifs par Reagan et Thatcher fut suivie d’une période de prospérité et de liberté si enviables que, au moment de l’effondrement des dictatures, de Manille à Berlin, les masses exigèrent la doctrine économique de Reagan en plus de leurs Big Macs.
Lorsque l’Union soviétique s’effondra enfin, les habitants de l’“Empire du mal” se montrèrent eux aussi empressés de participer à la révolution ourdie par Friedman, au même titre que les communistes devenus capitalistes de la Chine. Plus rien ne s’opposait donc à la création d’un véritable marché mondial, au sein duquel les entreprises nouvellement libérées auraient les coudées franches à l’intérieur de leurs pays respectifs, et, de surcroît, seraient libres de franchir les frontières sans contraintes et de répandre la prospérité partout dans le monde. Concernant le fonctionnement de la société, un double consensus s’affirmait à présent: il convenait que les dirigeants politiques fussent élus et que les économies fussent administrées selon les préceptes de Friedman. C’était, ainsi que l’écrivit Francis Fukuyama, “la fin de l’histoire”, “le point final de l’évolution idéologique de l’humanité”. Au moment de la mort de Friedman, on écrivit dans le magazine Fortune qu’il “avait entraîné à sa suite la marée de l’histoire”. Le Congrès des États-Unis adopta une résolution dans laquelle Friedman était présenté comme “l’un des plus grands défenseurs de la liberté, non seulement dans le domaine économique, mais sur tous les plans”. Le gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, fit du 29 janvier 2007 la “journée Milton Friedman” dans tout l’État, et plusieurs villes, petites ou grandes, l’imitèrent. Un titre du Wall Street Journal résuma à merveille ce récit épuré: “Monsieur Liberté”.
Extrait de Naomi Klein, La Stratégie du choc, La montée d’un capitalisme du désastre, Léméac éditeur, Arles, 2008. Traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Édition de poche, Actes Sud, Babel, 2010.

Pour aller plus loin:
  • Un film de Michael Winterbottom et Mat Whitecross donne un aperçu en 88 minutes des 860 pages de l’ouvrage de Naomi Klein -malgré les vives critiques de l’auteur. On pourra le consulter ici en version originale sous-titrée.
  • Longs entretiens avec Naomi Klein sur le site de la Télé libre.
  • Un prolongement de l’analyse de Naomi Klein, dans le livre de Bernard Stiegler, États de choc, Bêtise et savoir au XXIè siècle, Paris, Mille et une nuits, 2012.
  • Une autre approche des crimes du capitalisme « pur », dès le dix-neuvième siècle: Famines, libre-échange et colonisation.
  • Sur une approche complémentaire -et non contradictoire-, de la mise en place des dictatures en Amérique latine, voir le livre de Marie-Monique Robin, Les escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 2004, ainsi que l’entretien donné par l’auteur à la Ligue des droits de l’homme de Toulon.
  • L’analyse de Daniel Schneidermann sur une tentative manquée de récupération des attentats de Toulouse de mars 2012. Nous sommes là, évidemment, en présence d’un cas très isolé, peu susceptible de générer une peur massive, mais l’absence d’effet même à court terme sur la campagne est révélateur aussi d’une « vaccination » progressive des électeurs.
  • Quelques réflexions de Guy Debord sur le terrorisme.
  • Sur l’exemple italien: Gerardo Maffei, Silvio’s glam democracy, Le Félin, Paris.
  1. « The Promise of Vouchers », Wall Street Journal, le 5 décembre 2005. []
  2. Ibid. []
  3.  Milton Friedman, assisté de Rose D. Friedman, Capitalisme et liberté, traduit de l’anglais par A. M. Charno, Éditions Robert Laffont, « Le monde qui se fait », Paris, 1971, p. 14 []
  4. Milton Friedman, Inflation : Causes and Consequences, Asia Publishing House, New York, 1963, p. 1. []
  5. Milton Friedman et Rose D. Friedman, Two Lucky People. Memoirs, University of Chicago Press, Chicago, 1998, p. 59. []
  6. Davison L. Budhoo, Enough Is Enough. Dear Mr. Camdessus… Open Letter of Resignation to the Managing Director of the International Monetary Fund, New Horizons Press, New York, 1990, p. 102 []
  7.  Michael Lewis, « The World’s Biggest Going-Out-of-Business Sale », The New York Times Magazine, le 31 mai 1998 []

jeudi 6 septembre 2012

Quelle Ecologie ?

Critique de la societe industrielle & Ecologie-radicale. De la nécéssité d’un positionnement social et antifasciste !

L’écologie, un thème de gauche ?

A l’heure où l’extrême-droite fasciste opère un retours inquiétant et passe à l’offensive dans tout les millieux et sur tout les front, que ce soit la rue, le monde du travail, où encore la culture, peut-on encore laisser cette considation répandue qui voudrait comme une évidence que l’écologie soit une thématique de gauche ? A l’évidence non, et c’est pourquoi nous pensons que les mouvements luddites et écologistes radicaux auxquels nous considérons appartenir doivent réaffirmer des positions claire en ce qui concerne la lutte des classes et particulièrement l’antifascisme. La proximité entre extrême-droite et écologie où refus du progrès ne tiennent pas du simple opportunisme mais ont toujours existés.
Alors que d’importante luttes sont menées actuellement (no-TAV, ZAD, anti-THT...) nous devons plus que jamais rester vigilants, (re)connaitre notre énnemi et être en mesure de lui apporter une réponse détérminée tant sur le plan idéologique que physique et c’est ce que les prochains articles se donnent pour but de faire.

Origine des liens entre extrême-droite fasciste et écologie. Les mouvements Volkish de la fin du XIXème siècle & La révolution conservatrice allemande.

Les première théories s’approchant de ce que l’on pourrait appeler l’éco-fascisme se font jour en Allemagne dans la première moitié du XIXème siècle sous la plume d’Ernst Moritz Arnd qui prône l’amour de la nature combinée au nationalisme puis Wilhelm Heinrich Riehl qui y ajoute le romantisme du retours à la terre. A la même époque le mot « écologie » sera inventé par le zoologue réactionnaire et anti-humaniste allemand Ernst Haeckel, référence à l’époque pour les partisans du darwinisme social, du racisme et de l’antisémitisme.
A la fin du XIXème siècle en Allemagne le romantisme politique (courants très conservateurs influencé par Nietszhe dans son pessimisme anti-moderne) s’opposait à la modernité qu’il voyait comme source de la décadence de la société. Il sera tout d’abord théorisé par Paul Lagarde et Theodor Fritsch (qui dirigera plus tard des mouvements néo-païens d’influence nationale). Il vas se dévelloper à l’époque tout un tas de pratiques alternative allant du végétarisme au naturisme en passant par les medecines douces et les première revendication écologistes vont se faire jour. Mais toute ces expérience alternative ne sont pas exclusivement le fait de libertaires disciple de Kropotkine où d’Elisé Reclus, loin de là.
A cette époque et dans ces millieux vas emerger le courant néo-paganiste et pangermanique Volkish, c’est ce courant profondément raciste qui placera l’aryen au sommet d’une hierarchie qu’il aura établie entre les peuples et qui absorbera une bonne partie des millieux antisémite de la fin du XIXème siècle et du début du Xxème. Les Volkischer vont développer une vision completemment mysthifiée de l’histoire et imaginer de nouvelles formes de cultes où la nature est centrale, des communauté d’Homme prôche de cette dernière et libremment soumis à d’autre Hommes plus fort naturellement. Le mouvement Volkische sera défini par Peter Staudenmaier par ailleurs écologiste social comme un « populisme ethnocentrique avec un mysticisme de la nature ».
A partir de 1918 en opposition à la république de Weimar l’Allemagne vas se trouver confronter à la révolution conservatrice qui l’a menée au nazisme avec lequel nombre de ses acteurs comme Martin Heidegger où Carl Schmitt vont collaborer. Une nouvelle foi on assiste à l’émergence d’une véritable contre-culture appelée Wandervögel majoritairement de droite et notamment influençée par Heiddeger.
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Au sein de la révolution conservatrice allemande se retrouve les néo-conservateur (Ernst Junger,), les nationaux-bolchéviques (Ernst Niekisch) et les Volkischer... Le courant Volkisch vas profiter des évennements (défaite de l’Allemagne, proclamation d’une répulique, forteagitation émanant des spartakistes...) pour opérer son retour, rejoint notament par des personalités de premier plan.
Dans son article de 2007 « Terre & Peuple :: Quand les Gaulois sont dans la peine… » la revue antifasciste REFLEXes évoque longuement ce courant :
« De tous les courants de la « révolution conservatrice » allemande, le courant volkisch est sans doute le plus ancien puisqu’il émerge dès la fin du XIXème siècle. À l’époque, ses centres d’intérêt reflètent une bonne part des orientations culturelles de cette période : approche « scientifique » des origines guidée par l’esprit positiviste et l’élan romantique du mouvement des nationalités ; effervescence « spiritualiste » née de la crise de l’identité religieuse traditionnelle, en l’occurrence le christianisme. Ces deux voies convergent chez les « Völkischen » dans la défense du « peuple » conçu non comme masse mais comme identité, à la fois biologique et spirituelle. Le courant völkisch est donc foncièrement tourné vers le passé sans pour autant être réellement réactionnaire puisqu’il ne cherche pas à revenir à une époque révolue mais à se rattacher à ce qu’il considère être la plus lointaine origine. Un des fondements intellectuels de ce courant est alors Herman Wirth, philologue de la première moitié du XIXème siècle, qui, dans L’aube de l’humanité (1828), entendait reconstruire l’histoire de la religion, du symbolisme et des écrits d’une « race nordico-atlantique » primordiale, dont il faisait remonter les origines au paleolithique. Wirth situait le berceau originel de cette race dans la région correspondant à l’actuelle Arctique et la décrivait comme porteuse d’une culture cosmico-symbolique dont le thème central serait l’année solaire comme expression d’une loi universelle de renouvellement, cycle dans lequel le solstice d’hiver aurait revêtu une importance particulière.
Dans cette recherche des origines, le monde indo-européen (terme qui finit par l’emporter sur « indo-aryen ») est au centre des préoccupations. Découverte par les linguistes à la fin du XIXème siècle, « l’indo-européanité » identifiée comme noyau originel de la civilisation européenne donna un socle scientifique plus solide au courant völkisch. Ce dernier s’intéressa immédiatement au groupe germanique des peuples indo-européens, considéré comme le moins dénaturé et le plus proche des caractéristiques originelles. Reprenant des arguments développés par Arthur de Gobineau, deux philologues vont imposer leurs idées dans le courant völkisch : Hans F.K. Günther et Ludwig Ferdinand Clauss. Si Günther est célèbre, Clauss l’est un peu moins en raison d’une approche ethnique assez éloignée du racisme « suprémaciste » d’essence coloniale fort en vogue à l’époque. Il considérait en effet que chaque homme est porteur d’un « style » caractéristique de l’âme du groupe ethnique auquel il appartient, style fondamentalement distinct des caractères purement individuels : « chaque race possède en elle-même le criterium de ses valeurs les plus hautes et il n’existe pas de mesure commune qui puisse permettre de la comparer à une autre ».
Parallèlement à cette quête « raciale », le courant völkisch développe tout un intérêt pour l’occultisme, en particulier en Allemagne du Sud et en Autriche, terres catholiques s’il en est. La principale conséquence de cet intérêt fut la création de petites sectes occultistes et surtout un intérêt appuyé pour les runes, ancien alphabet nordique dont les vertus divinatoires supposées ne pouvaient que les attirer. De ces catholiques autrichiens apostats est venu également un antisémitisme typiquement lié à leur origine et conjugué sur le mode classique du conspirationnisme. D’autres tendances du mouvement désirèrent cependant simplement refonder une religion purement allemande. Certains optèrent pour la thèse fantaisiste du « Christ aryen » développée par Houston Stewart Chamberlain dans ses Fondements du XIXe siècle publié en 1899. Luther était à leurs yeux l’émancipateur de l’âme allemande, désormais libérée du carcan méditerranéen et despotique de Rome. Ils prétendaient achever la Réforme en purgeant le christianisme de son contenu spirituel sémitique. L’absurdité théorique et l’impossibilité pratique d’un tel projet n’échappèrent cependant pas aux plus lucides qui se tournèrent alors vers le paganisme nordique ou vers une « religiosité indo-européenne » plus large.
Cette quête des racines de « l’âme allemande » amène les « Völkischen » à porter une attention particulière aux traditions populaires (fêtes, folklore, coutumes) où, sous le vernis chrétien, se perpétuent des éléments beaucoup plus anciens, d’origine païenne. Dans le même esprit, ils accordent une grande importance au paysage et leur position est celle d’une écologie intégrale avant même que cette notion ne connaisse la popularité qui est la sienne à partir des années 1960. Défenseur de « l’art du terroir », ils créent ainsi un mode de vie alternatif relativement hors norme pour l’époque. Enfin, très attachés aux vertus privées du lignage et aux identités locales, les « Völkischen » ont relativement peu théorisé sur ce qui leur semblerait l’État idéal, la majorité se retrouvant dans la conception de l’empire germanique avec ses libertés locales. »

L’écologie et le National-Socialisme

Le IIIème Reich et l’idéologie national-socialiste sont les héritiers direct de la « révolution conservatrice » allemande et particulièrement des Volkischer. Le journal de Munich, le Münchener Beobachter, qui fut offert au Volkischer munichois par Rudolf Freiherr von Sebotendorff (grand lecteur du Protocole des sage de Sion et chef de la société de Thulé dont étaient membres bon nombre de dignitaires nazis) devint ainsi plus tard l’organe officiel du NSDAP et s’appelera le Volkischer Beobachter.
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Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce fait étant rarement mis en avant, l’écologie occupait une place centrale chez les nazis qui étaient pour beaucoup sur ce point de véritables intégristes. Ainsi sous le IIIème Reich l’agriculture biologique était favorisé et c’est en Allemagne que fut crée la première réserve naturelle d’Europe.
Une étude sur le sujet écrite par deux écologistes sociaux Janet Biehl et Peter Staudenmaier existe, intitulée « Ecofascism : lessons from the German experience ». Staudenmaier concluera son analyse de la manière suivante :
"Pour rendre cette consternante et dérangeante analyse plus acceptable, il est tentant d’en tirer exactement les mauvaises conclusions : à savoir, que même les engagements politiques les plus répréhensibles produisent parfois des effets louables. Mais la vraie leçon est exactement inverse : même la plus louable des causes peut être pervertie et instrumentalisée pour être mise au service de la sauvagerie criminelle. "L’aile verte" du NSDAP n’étaient pas un groupe d’idéalistes innocents, désorientés et manipulés, ni même des réformateurs de l’intérieur : ils étaient des promoteurs et des exécutants conscients d’un programme infâme ouvertement dédié à une violence raciste inhumaine, à une répression politique massive et à une domination militaire mondiale"


Terre & Peuples, les heritiers des Volkischer

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Le principal animateur de la revue Terre & Peuple aujourd’hui n’est plus a présenter, il s’agit de l’une des figures de l’extrême droite Française, Pierre Vial qui gère également en Rhône-Alpes le groupe Europe-Identité et dont la revue antifasciste REFLEXes, toujours dans son article de 2007 « Terre & Peuple :: Quand les Gaulois sont dans la peine… », fait un rappel biographique :
« Né en décembre 1942, il s’engage très tôt dans la mouvance nationaliste en rejoignant Jeune Nation en 1958. Le parti étant dissous pour son engagement en faveur de l’Algérie Française, Vial adhère à la Fédération des Étudiants Nationalistes au début des années 1960 et participe à la fondation d’Europe-Action qui en est partiellement issue. Comme beaucoup d’autres, il suit ensuite le parcours classique du militant nationaliste : Mouvement Nationaliste de Progrès (MNP) en 1966 puis Rassemblement Européen de la Liberté (REL) en 1967. Mais il devient une figure importante de la droite radicale en cofondant le GRECE au printemps 1968 et en y prenant la responsabilité de la commission Histoire l’année suivante. Animateur des structures lyonnaises du Groupement, il en est surtout le secrétaire général de 1978 à 1984 ainsi que le directeur de certaines des publications : Éléments, Études et Recherches. Il devient également conseiller culturel de l’association Domus lors de sa fondation le 04 novembre 1973. Celle-ci est la structure qui gère la Domus Europa, propriété détenue par l’association à Ventabren (13) et qui aujourd’hui encore est animée par l’un de ses fondateurs au parcours quasi-identique à celui de Pierre Vial : Maurice Rollet. La montée en puissance du FN, en particulier son accession à l’Assemblée Nationale et, parallèlement, l’affaiblissement du GRECE miné par l’absence de perspectives et les querelles internes poussent certains des cadres de l’organisation à rejoindre la structure frontistes à partir de 1987-1988, semblant ainsi tourner le dos à la stratégie métapolitique qui était au cœur de la démarche néo-droitiste. En 1990, Pierre Vial entre au Comité Central du FN et entame un parcours classique de cadre politique : élections locales et législatives à Villeurbanne et en Rhône-Alpes, formation et conférences, participation aux publications, sans oublier les extra comme une intervention au meeting de soutien à la Croatie libre organisé par Alain Sanders le 7 février 1994 et soutenu par le GUD. La crise de 1998 le voit participer à la fronde mégretiste, sans doute à la fois par hostilité à certains courants frontistes (« marinistes », catholiques nationaux de Bernard Antony, partisans de Bruno Gollnisch) et par affinité avec la radicalité politique d’une partie des partisans de Bruno Mégret. La scission est d’ailleurs très violente en Rhône-Alpes où le FN est investi dans certaines sociétés comme la SARL Telegone et la SCI Liberté. Vial devient immédiatement un des dirigeants du FN-Mouvement National, futur MNR, en prenant la responsabilité du secrétariat national aux milieux populaires et au social dans l’organigramme du parti présenté par B.Mégret le 10 novembre 1999. Mais l’absence de perspectives du MNR et l’évolution politique du parti le mettent rapidement en porte-à-faux avec Bruno Mégret et il est officiellement exclu du MNR le 14 octobre 2001 pour avoir critiqué les positions proaméricaines de B. Mégret, suite aux attentats du 11 septembre que les proches de Vial ne se cachent pas d’avoir fêtés. Il fonde alors le groupe Europe-Identité au conseil régional Rhône-Alpes avec la poignée de conseillers MNR l’ayant suivi. Ce groupe, à défaut de peser dans les décisions régionales, s’avérera fort utile à Terre & Peuple puisque cela permettra à l’association d’envoyer son courrier aux frais du contribuable sous couvert de celui d’Europe-Identité. Il en sera de même des autres facilités offertes par les mandats régionaux (au même titre que les autres groupes politiques), en particulier en termes de frais de déplacements. Europe-Identité fera d’ailleurs des « boutures » en Champagne-Ardenne et en Midi-Pyrénées. »
Il est étonnant de constater que le parcours politique de Pierre Vial bien qu’ayant commençé bien avant comporte bien des similitude (passage à Nouvelle-Résistance et au MNR, carrièrisme au FN, soutien au nationalistes Croates) avec ceux d’autre fascistes de première importance, notamment Grenoblois comme André-Yves Beck où Jean-Marc Vivenza.
Terre & Peuple s’impose au sein de l’extrême-droite comme l’heritiere de la pensée des Volkischer, on y retrouve énormément de thèmes propre au Volkisch : histoire revisitée, paganisme, enracinnement... Elle compte (toujours d’après l’article de REFLEXes) autours de 1000 adhérents en France, sa Table Ronde annuelle réunit entre 400 et 500 personnes et son noyau (ceux présents aux assemblés communautaires par exemple) entre 50 et 60 personnes.

L’écologie politique d’extrême-droite aujourd’hui en France Goldsmith, Waechter, de Benoist, Ozon et Cie

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En 1993 Robert Steuckers quitte le GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) après y avoir été le bras droit depuis 1981 d’Alain de Benoist. Il fonde Synergie-Européenne réseau européen appartenant à la Nouvelle-Droite. Synergie Européenne qui compte dans ses rangs des individus comme le grenoblois Jean-Marc Vivenza où les groupes écofascistes allemands Unabhängigen ökologen Deutschlands et Arbeitskreis Grüne Trommel de Hambourg. Synergie Européenne a des sections en France, en Belgique, au Portugal, en Russie, en Autriche, en Latvie, en Lituanie, en Yougoslavie, en Italie et en Allemagne.
En 1994, Antoine Waechter est une figure de l’écologie. Dans les années 70 il a été secretaire général de la Fédération Alsace de l’Association régionale pour la protection de la Nature, compte parmis les fondateur de Écologie et Survie, fait parti du Mouvement d’Ecologie Politique. Il est l’un des porte-parole nationaux des Vert à partir de leur fondation en 1984, candidat à la présidentielle de 1988 il devient conseiller municipal de Mulhouse puis députés Européen et conseiller régional d’Alsace.
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Cette année 1994 il quitte les Vert pour fonder le Mouvement Ecologiste Indépendant. « Indépendant » car défendant une vision « ni gauche ni droite » de l’écologie. Un slogan qui porte à confusion et que les fasciste de tout poils adorent. On se rappelera Jacques Doriot, ancien communiste devenu fasciste et collaborateur "Ni droite ni gauche, en avant !" et on ne pourra que faire le rapprochement avec le "Gauche, droite. Marxisme et capi­ta­lisme divi­sent." de Terre & Peuple où bien encore plus récemment,"Droite des valeurs. Gauche du travail" d’Egalité et Reconciliation, "Ni droite, ni gauche. Identitaire !" des identitaires où bien ceux de Troisième-Voie.
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Un an plus tard, Nouvelle-Ecologie est fondée en 1995 par Laurent Ozon (spécialiste au sein de la Nouvelle-Droite des questions environnementales et du localisme) c’est la branche écologie du GRECE. Nouvelle-Ecologie publie la revue Recours aux Forêts. Laurent Ozon est aussi le fondateur de l’organisation écologiste Wildniss Club. Le recours aux Forêts et le Wildniss Club appartiennent au courant actuel de l’écologie profonde et sont liés au mouvement écologiste américain Earth First ! Sur lequel nous reviendront plus tard.
Les liens même indirect existent dès le départ entre Waetcher et l’éco-fascisme. En 1998 après avoir obtenu deux élu au éléction régionale Waetcher et son MEI se rapprochent d’Edward Teddy Goldsmith fondateur en 1969 de la revue The Ecologist dont il est le propriétaire et le rédacteur en chef.
Edward Goldsmith, mort en 2009 qui était connu pour être un activiste envirronementaliste au service de la Nouvelle-Droite et dont le frère, James, avait racheté l’hebdomadaire (anticommuniste) l’Express avant de le revendre en 1987 et à financé la fondation du MPF de Phillipe de Villier à hauteur 3,5 millions de dollars. Goldsmith fréquente depuis longtemps le GRECE dont le dirigeant Alain de Benoist compte parmis ses amis et pour qui il finira par donner une première conférence en 1994. Le milliardaire Edward Goldsmith sponsorise à travers toute l’Europe une vision de l’écologie totalitaire et fasciste comme celle du GRECE mais aussi de Synergie Européenne.
En 1999 Antoine Waechter participe (à l’instar de Goldsmith ainsi qu’Alain de Benoist, François Terrasson et Serge Latouche l’année précedente) au coloque de Nouvelle-Ecologie dont le leader, Laurent Ozon qui ne veut pas que l’on s’en prenne à la nature et prétend la proteger, reste quoiqu’il arrive un fasciste et un flic, il est d’ailleurs le fondateur (en 2001) et le PDG de Storvision (figurant parmi les leaders du secteur de la vidéosécurité).
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Jean Robin, soutien de Daniel Cohn Bendit en 1999, démissione des Verts en 2004. Il est, depuis sa démission régulièrement intervenu sur les ondes de Radio Courtoisie et a crée en 2006 les Editions du Tatamis (destinée à éditer des ouvrages politiquement incorrect), il a fait campagne pour Dupont-Aignan l’année suivante (2007)
Plus récemment, Laurent Ozon a fondé en 2008 La Maison Commune renforçant les liens existant déjà avec Serge Latouche et le MAUSS et devient le compagnon de route des identitaires en participant à la convention d’octobre 2009 où le Bloc Identitaire se transformera officiellement en parti.
En 2010 le site d’extrême-droite, Enquète & Débat (conccurent de FdeSouche) est lancé par Jean Robin. En 2011 avec l’arrivé de Marine Le Pen à la tête du Front National, Laurent Ozon est directemment plaçé par cette dernière au bureau politique du parti pour s’y occuper de l’Ecologie. Cependant les divergence étant trop forte Laurent Ozon quitte le FN sept mois plus tard. Par ailleurs il faut mentionner que pour sa campagne présidentiel de 2012 le FN était doté d’un programme écologique conséquent.


A la peur de l’immigré et aux tentations de repli communautaire s’ajoutent la tendances à un retour à l’ordre moral conservateur. Nous vivons dans une société malade et les charlatans ne manquent pas...
Si les technocrates utilisent les moyens technologiques pour renforcer un système de domination de l’Homme sur l’Homme, on assiste également sur le plan spirituel et moral à un retours en force du religieux et du conservatisme. Les systèmes fascistes ont su par le passé allier la domination par la contrainte physique (la discipline des corps poussée à son paroxysme), à travers différend systèmes de coercition technico-militaro-policier, et la domination par la contrainte psychologique, basée sur l’aliénation des masses à travers l’endoctrinement religieux ou patriotique, la hiérarchisation de la société et la sanctification du pouvoir. Cela se voit sur différents plans. La surmédiatisation des faits-divers glauques, et des effets d’annonce contribue à renforcer l’idée d’une société hostile et, en opposition, d’un état protecteur. Les mesures de surveillance, la criminalisation de toute opposition efficiente au pouvoir, l’alourdissement des peines n’est plus imposée mais réclamée par une frange de la société abrutie. Si le phénomène touche comme on pouvait s’y attendre les franges bourgeoises et vieillissante de la société, il touche également les jeunes.
L’organisation verticale des rapports sociaux et l’emprise croissante de la marchandise dans ces derniers aboutissent de manière logique à une société de contrôle consentie. La déshumanisation dont font l’objet les individus réduits à l’état de marchandises, et qui perdent peu à peu le contrôle sur leur vie et l’espace dans lequel ils évoluent, les dispose tout entiers à accepter le totalitarisme marchand et l’abandon de leur vie à ce dernier. A travers l’illusion du bonheur matérialiste le mensonge capitaliste perdure et s’amplifie. Et quand bien même la mondialisation capitaliste et la financiarisation ont mené à la pire crise économique de l’histoire, cette dernière ne fait que jeter dans les bras du nationalisme et de la réaction les classes populaires.
« L’antisémitisme comme mouvement national a toujours été ce que ces intigateurs aimaient repprocher au sociaux démocrates : le nivellement. Ceux qui n’ont aucun pouvoir pour commander ne doivent pas vivre dans des condition meilleures que celles du peuple. Tous les suivistes avides ont au fond toujours su qu’ils n’y gagneraient rien sinon la joie de constater que les autres n’en ont pas d’avantage » Horkheimer & Adorno La dialectique de la Raison
Cette citation sur l’antisémitisme s’applique aussi bien aux formes de racisme d’Etat que l’on a vu se mettre en place ces dernières années. La différenciation et la mise en concurrence des individus sur des critères absurdes, en lieu et place de l’analyse des rapports de domination sape jour après jour les efforts du mouvement social et laisse en revanche la part belle aux théories différentialistes.
Il semble que le nombre des personnes à même d’avoir conscience de la nécessité de la lutte des classes ne cesse de décliner.
Les médias marchands, largement dominants par leur nombre et leur moyens financiers, cèdent peu à peu à la facilité, laissant de côté l’analyse de fond et la recherche de la création artistique au profit d’un traitement spectaculaire de l’information et la promotion d’une culture de supermarché, recyclable à l’envi. Cette culture de l’instantané et de l’éphémère se retrouve désormais dans les politiques d’éducation et de recherche. A l’école l’acquisition de savoirs automatiques est privilégiées au détriment de la réflexion personnelle, la réduction du nombre de professeurs, les classes surchargées, et la négation de l’enfant en tant qu’individu à part entière avec ses envies propres, contribuent à une perte de repères des jeunes générations et de la pertinence de leur bagage culturel et scientifique. Les alternatives ne manquent pourtant pas, mais on leur préfère une vision autoritaire et uniformisante de l’enseignement. Dans la recherche, les crédits sont désormais orientés vers des technologies rentables à court terme, en particuliers celles liées au contrôle des population, que ce soit dans son volet techno-policier, ou socio-économique.
« Le totalitarisme... découle d’un système de production et de distribution parfaitement compatible avec un puralisme de partis, de journaux, avec la séparation des pouvoirs. » Marcuse L’homme unidimensionnel

Le dangereux retours à la spiritualité où comment se crée potentiellement un contexte et des mentalités propices.

Que ce soit en un Dieu bienfaisant, en la main invisible du marché et les vertus du progrès, ou même en la révolution, la croyance rassure non seulement le croyant, mais aussi le pouvoir qui détient alors un outil de contrôle formidable.
"Les hasards et les chances imprévus de fortune qui prédisposent les bourgeois aux idées superstitieuses n’existent pas pour le prolétaire ; et l’idée de Dieu ne peut apparaître dans le cerveau humain, que si sa venue est préparée par des idées superstitieuses de n’importe quelle origine." Paul Lafargue Le déterminisme économique de Karl Marx
Il n’est guère étonnant dans ce contexte de crise culturelle et économique, de voir resurgir des théories obscurantistes. A mesure que l’analyse rationnelle recule, les théories mystiques et religieuses opèrent un retour pour le moins inquiétant. Elles concernent tout les milieux et s’invitent dans tout les aspect de la vie. Elles participent à la confusion générale et profitent à de nombreuses dérives. Des théories créationnistes aux sectes new-age, l’éventail des fausses réponses, des discours confusionnistes et des mensonges rassurants est immense.
De plus en plus d’individus se détournent en partie où complétement de la lutte politique opposant les opprimés à leurs oppresseurs, de la pensée révolutionnaire et des pratiques émancipatrices du mouvement social pour chercher ailleurs des "solutions". Ainsi progresse partout cette idée qui veut que quelque soit ses opinions (comprendre par là : dans quel camp qu’il se place dans la guerre sociale) l’individu aurait besoin de "spiritualité".
"Le monde aliéné apparait [...] comme le seul possible ; cela suscite la transfiguration, la résignation, et la recherche d’un chemin menant à la "vie" par l’experience mysthique irrationnelle, laquelle ne peut évidemment rien changer à l’éssence de cette situation de fait. Ces attitude qui exprimment plus l’écrasement de l’individu face au monde sont inévitables à partir du moment où l’on renonce à toute praxis possible..." (propos sur les écologistes issu des classes moyennes extraits de la brochure Anonyme "Les mythes décisifs. Aux écoeurés de Malville")

Les initiatives de l’extrême-droite identitaire en France sur fond de retours à la terre.

A l’extrême-droite le courant identitaire est sans aucun doute pour la dernière décénie, celui qui a pris le plus d’initiatives concrètes dans tout les domaines. Suivant sa methode basée sur la métapolitique il se sont employés sans relache a investir tout les terrains et notamment ceux abandonnés par le FN et a occuper un maximum d’espace.
« La métapolitique est une conception idéologique et une pratique politique qui vise à s’inscrire dans les rapports de force sociaux et économiques en déployant des concepts au niveau culturel pour influencer la sphère politique et y faire progresser ses idées. Il s’agit de considérer que la vision que la société porte sur elle même doit être modifiée préalablement à une tentative de changement de société. Vision politique adaptée au contexte social actuel, la métapolitique est une des formes d’action politique. » (Source : « Métapolitique et stratégies des droites radicales »).
Cela vas par exemple de l’ouverture de locaux aux allures de centres sociaux et culturels et à l’occupation de certains quartiers dans les grandes villes à des démarche de retours à la terre... On a déjà vu dans un premiers articles que l’écologie faisait partie intégrante de l’extrême droite. Le blog 11sept2010.wordpress (aujourd’hui : Le blog du Drapeau Noir) avait déjà entamé ce travail d’enquète il y a un an...
On ne citera pas toutes les revues, les petites maisons d’éditions, les ateliers artisanaux, boutiques d’artisanat enracinés. Le plus grand des succés des identitaire restant néamoins l’ouverture de ses Maisons de l’Identité, inspiré par les Casapound, centre sociaux fasciste qui fleurissent dans toute l’Italie. Aujourd’hui elle sont au nombre de huigt (« La Barricade » à Paris, la « Vlaams Huis » à Lille, « La maison de l’Artois » dans le Nord-Pas-de-Calais, « Lou Bastioun » à Nice, « La Traboule » à Lyon, « Ti-breizh » dans le Finistère, « l’Echoppe » à Bordeaux et « l’Oustal » à Toulouse). Sur le mouvement Casapound en Italie qui a inspiré ces locaux on peut lire la brochure « Sortir des égouts : de l’égémonie culturelle de droite au fascistes du troisième millénaire » édité par Tatanka, et voir le documentaire d’Arte « Casa Pound une maison occupée par l’extrême droite »)
Mais la plus inquiétante des initiatives identitaire reste La Desouchière. Une bière artisanale. En se penchant un peu sur ce cas particulier on se rend compte qu’il s’agit d’individus issu de la mouvance identitaire qui ont racheté quelques batiments et crée une SCI dans une petite commune. Le but étant d’installer une véritable colonie d’individus. La methode est à peu près la même que pour certaines Maison de l’identité, le blog 11sept2010.wordpress (aujourd’hui : Le blog du Drapeau Noir) l’analysait déjà il y a un an :
« Attirer des gens vers des communautés fermées, isolées, et animées par un concept ésotériquo-spirituo identitaire fumeux, puis organiser le tout financièrement pour qu’il essaime, je ne pense pas être le seul à voir là dedans une dérive sectaire. »
Olivier Bonnet, fondateur de La Desouchière est intervenu à la 3ème Journée Nationale et Identitaire organisée à l’occasion du 3ème anniversaire de la revue Synthèse Nationale ainsi qu’à la 11éme Rencontre des Identitaires de Coloma organisée par Terre & Peuple-Wallonie pour parler de « la ré-appropriation par la culture locale, par les habitudes alimentaires locales, par les randonnées locales, par les traditions vestimentaires, les fêtes, les rites, les lieux sacrés locaux, l’économie équitable, le mouvement coopératif, le micro-capitalisme, la perma-culture biologique, les activités éducatives et sportives locales, etc ».
Message du fondateur de la desouchiere en octobre 2008 :
« Le but Il doit être fixé de manière claire de façon à ce que chacun en soit bien conscient avant de s’engager de la façon qui lui convient. Cependant, il faut demeurer relativement évasif dans les documents officiels (statuts des sociétés et associations éventuelles), de manière à ne pas prêter le flanc à la critique de nos adversaires, ni éveiller les soupçons des autorités du lieu finalement choisi. Si une SCI doit acheter des maisons, des terrains, des appartements, elle doit pouvoir le faire tout naturellement, sans tapage inutile. c’est la partie la pus délicate du démarrage. une fois des biens immobiliers acquis, il devient quasiment impossible de s’opposer à l’arrivée de nouveaux habitants dans la commune »
« Je ne détaillerai pas ici et maintenant les méthodes qui permettent de limiter les risques mais il me semble par exemple qu’il vaudrait mieux éviter de débarquer dans un coin étendard au vent. L’implantation ne doit pas être avant tout politique, a mon sens le but premier doit être de s’intégrer et de se faire accepter, apprécier, des habitants du cru, en adoptant un comportement exemplaire. »
« Il serait judicieux de choisir une commune peu peuplée afin de pouvoir assez rapidement placer un maire souchien. Si nous sommes suffisamment nombreux nous pourrons mécaniquement gagner les municipales. Une liste dite apolitique simplement souchienne. »
« C’est même réalisable au niveau d’un canton pour peu que le projet prenne de l’ampleur »
« L’arrivé dans une mairie ou au moins dans les conseils municipaux pour debuter (avec menagement de la population de souche -la vrai- lol) est en effet indispensable mais doit se faire delicatement (que l’on est pas l’impression de debarquer et vouloir prendre le pouvoir) dans le cas contraire on ne se distinguerai pas beaucoup des migrateurs allogènes. Il faut avant avoir mené de bonnes actions, des rehabilitations et acquis la confiance des gens. Mais en effet, l’entrisme dans les listes municipales offrira beaucoup d’autres perspectives. »
« il faut donc s’installer dans une commune déjà existante et réussir à y placer notre maire. Le contrôle de la mairie nous permettra de contrôler les permis de construire et en conséquence, de contrôler l’accroissement, la rigueur des construction, le bon emploi des fonds publics et la tenue de l’école. »
« Imaginez donc une commune en voie de désertification, avec 100 électeurs inscrits (car c’est ainsi dans les campagnes, il y a toujours plus d’électeurs inscrits que d’habitants à l’année, enfants compris) et 10 nouveaux arrivants, qui sont 30 au bout de 18 mois et plus de 50 en 3 ans : ils prennent ensuite la mairie avec leur liste entière (11 élus, donc le maire plus l’ensemble du conseil municipal) sans problème. »
« Il y a déjà des camarades qui ont franchis le cap du retour à la terre. Vu le peu d’entre-nous qui ont eu le courage de passer à l’acte (moi compris), ils sont amenés à avoir des échanges (de produits, d’animaux et de services) avec les gauches sans que ses derniers les soupçonnent en rien. Et même parfois, s’ils ont un soupçon, le fait de partager la même vie, le respect s’installe. Il suffit de ne pas faire de prosélytisme et d’avoir un peu d’humour. Les gauches, eux, sont bien plus nombreux que nous à être redevenus paysans et dans ce domaine ils sont bien plus cohérents que nous. »
« Et je répète, pour les gauches il n’y a pas de soucis à ce faire. Ceux des ville, les plus pourris, ne viennent pas à la campagne. Et vous seriez surpris de voir que les gauches de la campagne ont bien des point communs avec nous. Sauf pour les questions raciales. C’est là où ils sont incohérents et ils s’en rendent compte parfois. Ceux-là ne viendront pas manifester devant chez vous si vous ne faites pas dans le prosélytisme. Soyons 95 % paysans, 5% politique. »
« SI le projet est bien amené, bien presenté sans provocation (et il n’y a pas de raisons qu’il y en aient) les gauchistes ou autre nuisibles n’y verront que du feu. »
« Mais bon, si l’ont n’arrivent pas avec nos gros sabots, je ne vois pas de crainte. Il suffira d’employer les arguments simples de “developement durable”, “mise en valeur du patrimoine local”, très en vogue actuellement. Et surtout être discrets sur nos buts et notre philosophie. Il nous faudra mettre en avant notre côté “écolo-développement-durable” (bien à la mode) sans pour autant verser dans l’idéologie qui la sous-tend actuellement,… »
Plusieurs endroits sont depuis plus d’un ans en cours d’infiltration par cette secte. Nous allons ici nous contenter de donner quelques indication :
- Sur le blog (http://tourdeurope.over-blog.com) tenu par Fanny TRUILHE et Mathilde GIBELIN, on peut constater que des écoles primaires tombent dans le piège et offre une tribune de choix auprès de jeunes enfants, relayée par la tribune et le midi libre.
- « La ferme du bout du monde » (http://lafermeduboutdumonde.fr) implantée à la Parrade 43850 Alleyras est elle aussi née d’un trip retour aux racines gauloises.
- « Retours à la Terre » (http://retouralaterre.canalblog.com) se présente comme un projet de potager collectif situé à côté de Montluçon dans l’allier qui se définit lui-même comme ceci : “Notre démarche s’inscrit dans une logique comptant de plus en plus d’adeptes parmi les citadins : celle du “ré-enracinement”. Ce principe peut être “intérieur” (la redécouverte de ses racines), ou physique, par un retour à la terre (comme l’indique le nom de ce blog), l’un accompagnant l’autre le plus souvent.” Le lien avec l’AMAP du Bourbonnais affiché est à vérifier.
- L’art des mêts (http://www.lartdesmets.eu) Sandrine Mesguich, La Cigogne 03210 Gipcy. Une boutique de graines qui propose également des stages. Identitaire et destinée aux cibles particulièrement en quête de spiritualité, elle propose par exemple de “s’élever en douceur vers la santé des trois corps : physique, mental et spirituel”. Particulièrement inquiétant…

mardi 7 août 2012

Sport : Quel fête ?

La sombre histoire du comtié international olympique : fascisme, nazisme et antisémitisme

lundi 06 août 2012

Par Daniel Salvatore Schiffer. Les Jeux Olympiques battent leur plein en cet été 2012. C'est une immense fête populaire. Les yeux du monde entier sont rivés sur Londres. Les meilleurs athlètes y accomplissent leurs exploits sportifs. On y exalte, par médias interposés, les valeurs de l'olympisme : fraternité entre les peuples, égalité des races, amitié entre les ennemis d'hier, éloge de la paix. Bref : c'est la fameuse et très louable « trêve olympique » !

La sombre histoire du comtié international olympique : fascisme, nazisme et antisémitisme
Certes ces principes, que l'on voudrait universels, sont-ils magnifiques en soi. Sauf que cette instance suprême qu'est le Comité International Olympique (CIO) ne cessa, au cours de son histoire, de les trahir, pour n'en faire finalement que d'obscurs alibis, souvent purement théoriques, destinés à mieux dissimuler, sous couvert de moralité, ses graves dérives idéologiques (sans parler même de ce que j'appelais ailleurs, d'une formule très rimbaldienne, ses « horreurs économiques » : http://www.lepoint.fr/sport/jeux-olympiques/l-horreur-economique-des-jeux-olympiques-26-07-2012-1489844_761.php).
1936, COUP DOUBLE POUR HITLER : LES JO D'HIVER ET D'ETE
La plus condamnable de ces dérives idéologiques est, sans conteste, son honteuse compromission, sur le plan politique, avec le fascisme triomphant puis le nazisme naissant, le tout assorti d'une non moins détestable dose d'antisémitisme. Cette longue et impardonnable série de compromissions avec les pires régimes dictatoriaux eut lieu - peu de gens s'en souviennent aujourd'hui - lors des Jeux Olympiques d'hiver de 1936, qui se tinrent, du 6 au 16 février, dans la petite ville allemande de Garmisch-Partenkirchen. Cette année-là, ces Jeux, ardemment désirés par Hitler, arrivé au pouvoir trois ans auparavant (1933), furent organisés, afin de lui servir de vitrine tout autant que de tribune, par Joseph Goebbels en personne, Ministre de la Propagande du Troisième Reich. C'est un aristocrate belge, le comte Henri de Baillet-Latour, antisémite notoire, qui était alors le président, depuis 1925 (année ou Pierre de Coubertin abandonna cette fonction pour en devenir le « président d'honneur à vie »), du Comité International Olympique. Voici ce que Baillet-Latour, obsédé par ce « double péril » que représentaient pour lui communistes et juifs, écrivait en 1940 : « Terrible bataille entre les barbares soviétiques et les Finlandais (…). Cette guerre que les Bolchéviques attendaient depuis 1920 devint un fait réel grâce à l'aide des Juifs, pour le seul bénéfice de la Russie rouge. » Et de déplorer, dans la foulée, que l'Allemagne nazie perdît ainsi, à cause de ces « méfaits » des Juifs, « le contrôle de la Baltique », dont, insistait-il, les Etats étaient pourtant « imprégnés de culture germanique depuis mille ans ». C'est cette admiration pour cette « culture germanique », précisément, qui fit que ce même Baillet-Latour éprouva une grande fierté, lors de la cérémonie d'ouverture de ces Jeux olympiques d'hiver de 1936, à se faire photographier, ainsi que le montre un célèbre cliché, entouré, à sa gauche, d'Adolf Hitler, lequel se répandait alors en saluts nazis pour accueillir les athlètes à l'intérieur du stade, et, à sa droite, de Rudolf Hess, son diabolique dauphin. En voici, très concrètement, l'indéniable preuve matérielle :
http://no.wikipedia.org/wiki/Fil:Bundesarchiv_R_8076_Bild-0019,_Olympische_Winterspiele.-_Er%C3%B6ffnung.jpg
Un trio d'enfer, effectivement : le plus terrifiant des podiums olympiques, que l'actuel CIO prend bien soin, afin de ne pas ternir son image de marque, de ne pas divulguer ! Il est par ailleurs d'autres éléments, non moins accablants pour lui, que le CIO tente de passer, tout aussi lâchement, sous silence. Parmi eux, la course relais de la flamme olympique, symbole par excellence des olympiades modernes. Car si un de ses documents officiels stipule bien qu'elle fut l'invention, en cette même année 1936, mais lors de Jeux Olympiques d'été de Berlin cette fois, d'un certain Carl Diem, il omet sciemment de préciser, cependant, l'essentiel : Carl Diem, officier allemand, était lui aussi un dignitaire nazi, que le Ministre des Sports du Troisième Reich (Hans von Tschammer und Osten, lui-même sous la tutelle de Goebbels), nomma, en raison de son pragmatisme bureaucratique et de son efficacité toute teutonne, Secrétaire Général du Comité Organisateur de ces mêmes Jeux. Voici, à ce propos, ledit document officiel, enrobé de ce mensonge par omission, du CIO :
http://www.olympic.org/Documents/Reference_documents_Factsheets/Le_relais_de_la_flamme_olympique.pdf
Voici à présent le véritable rapport existant entre la course relais de la flamme olympique et le nazi Carl Diem :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Diem
Comme quoi idéal olympique et rêve nazi ont parfois fait bon ménage, aussi abominable fût-il, au cours de l'Histoire !
BERLIN : LES JEUX DE LA HONTE, ET COUBERTIN COMPLICE
Berlin 1936, donc, du 1er au 16 août : les Jeux de la honte ! C'est à leur occasion que le Comité International Olympique atteignit, en effet, un rare sommet d'abjection. Son président, le même comte Henri de Baillet-Latour, par ailleurs toujours aussi immanquablement flanqué du « Führer », déclara avoir alors éprouvé une « grande joie à la suite de ces merveilleux Jeux Olympiques ». Quant à son prédécesseur, le baron Pierre de Coubertin, qui admirait « intensément » Hitler et que vénérait Maurras au temps où il était directeur de la très pétainiste « Action Française », il fut plus dithyrambique encore à leur égard : « Je veux remercier le gouvernement et le peuple allemands pour l'effort dépensé en l'honneur de la onzième Olympiade » , affirma-t-il, peu avant leur cérémonie d'ouverture, lors d'un entretien accordé à la radio allemande. Et d'ajouter, lors de son discours de clôture : « Que le peuple allemand et son chef soient remerciés pour ce qu'ils viennent d'accomplir. » Quant à ceux qui, embarrassés par ce type de commentaire, lui demandaient s'il ne nourrissait pas quelque scrupule à soutenir pareil régime, ils n'obtenaient, en guise de réponse, que ce genre d'aberration : « Comment voudriez-vous que je répudie la célébration de la onzième Olympiade ? Cette glorification du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis le développement qu'elles (les olympiades) ont connu ! » Quoi d'étonnant, face à semblable enthousiasme et devant pareille publicité, si Hitler, qui n'en demandait pas tant pour vanter son régime aux yeux du monde, projeta de lui ériger une gigantesque statue, comme seuls les délires nazis pouvaient les concevoir et construire, en plein centre du stade de Berlin ? Mieux : il le proposa officiellement, pour le remercier, comme lauréat du prix Nobel de la paix (sic) : ce que à quoi la prestigieuse Académie d'Oslo se refusa bien évidemment, à juste raison, d'acquiescer ! Voici, à ce sujet, une photo de la cérémonie d'ouverture des JO de Berlin en 1936, où l'on voit Adolf Hitler, arborant la croix gammée, saluer le drapeau olympique. On y distingue, à sa droite, entre lui et Rudolf Hess encore, le président du CIO, Henri de Baillet-Latour :
http://www.ushmm.org/wlc/fr/media_ph.php?ModuleId=284&MediaId=1945
Certes le comte de Baillet-Latour n'était-il jamais, argueront ses défenseurs en vue de l'excuser, qu'un homme de son temps, ni plus ni moins coupable qu'un autre face aux compromissions de l'Europe tout entière par rapport à l'avènement du nazisme. De même, insisteront-ils, le baron de Coubertin n'était-il jamais, en France, qu'un homme de la Troisième République : celle-là même qui, engluée dans l'antisémitisme ambiant, condamna arbitrairement, sous la présidence de Félix Faure, le capitaine Dreyfus. Peut-être ! A cette différence près, toutefois, qu'il y eut néanmoins, à l'époque, des consciences suffisamment vigilantes et éclairées, dotées de lucidité intellectuelle tout autant que de courage moral, pour dénoncer cette sorte d'esprit de Munich, capable des pires capitulations, avant la lettre. Au sein de ces hommes exemplaires émergea alors le grand Georges Clemenceau, qui publia notamment, dans son journal « L'Aurore », le « J'accuse » d'Emile Zola, mais que, face à son opposition pourtant radicale vis-à-vis de l'hitlérisme de Coubertin, personne n'écouta cependant. Et ce, malgré le soutien appuyé, sur cette épineuse mais importante question, de Léon Blum. La suite de ces sombres événements lui donna, hélas, tragiquement raison lors de la Seconde Guerre mondiale : 50 millions de morts en Europe - le pire carnage de l'histoire de l'humanité - et 6 millions de juifs exterminés à Auschwitz !
UN ANTISEMITE (BRUNDAGE) ET UN FRANQUISTE (SAMARANCH) A LA TÊTE DU CIO
Et puis, il y encore ceux qui nous diront envers et contre tout, nantis de cette obstination confinant à l'aveuglement, que l'hitlérisme n'était pas encore, à l'époque, le nazisme, et que personne, donc, ne pouvait prévoir le désastre à venir. Faux, dans la mesure où cette fatidique année-là, 1936, fut précisément celle durant laquelle Hitler mit stratégiquement en place, avec la nomination de ses plus fidèles lieutenants aux postes clés et leviers de pouvoir, tout le système idéologique du Troisième Reich, dont la création des unités SS avec écusson à tête de mort (la « Totenkopffuerbande ») par Himmler, l'édification du NSDAP (le « Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands », qui régentait l'institut pour l'étude de la « question juive ») par Goebbels, et l'affectation de Göring au double poste de commandant en chef de la « Luftwaffe » ainsi que de la politique d' « aryanisation » (en réalité mise en œuvre, dans toutes les organisations sportives du Reich, depuis 1933 déjà). Et ce, à l'encontre, non seulement des juifs, mais aussi des tziganes et des homosexuels, considérés médicalement, selon les théories de l'eugénisme alors en vogue, comme « dégénérés » tant sur les plans biologique qu'anthropologique. Ainsi est-ce en cette même année-là, 1936 toujours, que les premières persécutions antisémites apparaîtront, en Allemagne, au grand jour : pas moins de 114 lois antijuives y seront édictées pendant le seule période s'étalant entre les Jeux Olympiques d'hiver, à Garmisch-Partenkirchen, et ceux d'été, à Berlin, tandis que tous les athlètes juifs de l'équipe nationale allemande, et certains de tout premier plan (Erich Seelig pour la boxe ; Daniel Prenn pour le tennis ; Gretel Begmann pour le saut en hauteur), en seront systématiquement exclus. Davantage, le 16 juillet 1936, soit deux semaines avant l'ouverture de ces JO d'été, 800 Tziganes et Rom résidant à Berlin furent arrêtés arbitrairement, lors d'une rafle orchestrée par la police allemande, puis internés tout aussi abusivement, sous la garde des SS, dans un camp - ce fut là le premier camp de concentration de l'histoire nazie - alors spécialement aménagé à cet effet : celui de Marzahn, quartier situé dans l'est de Berlin. La plupart de ces prisonniers-là, dont beaucoup y furent exécutés sommairement, n'en sortiront jamais plus ! Voici, à ce sujet, une photo, datant de cette époque-là, du camp d'internement de Marzahn-Berlin, avec, comble du cynisme, les propres roulottes des gitans en guise de baraquements de fortune :
http://www.ushmm.org/wlc/fr/media_ph.php?ModuleId=75&MediaId=2310
Sur ce premier crime de guerre commis par le Troisième Reich, en plein Jeux Olympiques, ni le puissant président du CIO, Henri de Baillet-Latour, ni son illustre président d'honneur à vie, Pierre de Coubertin, lesquels étaient pourtant parfaitement au courant de cette situation ainsi que l'attestent de nombreux documents historiques, ne pipèrent jamais mot, le couvrant ainsi honteusement, du haut de leur prestige international, d'un très complice, et d'autant plus coupable, silence. Pis : le président du Comité National Olympique Américain d'alors, Avery Brundage, antisémite chevronné, nazi convaincu et membre actif de deux associations ultra racistes Outre-Atlantique, « America First » et « Sigma Alpha Epsilon Fraternity », relativement secrètes et toutes deux proches du tristement célèbre « Ku Klux Klan », convainquit les Etats-Unis d'Amérique, sous prétexte que « les Juifs étaient bien traités par le Reich », de ne pas boycotter ces Jeux de Berlin. C'est précisément pour ces services alors rendus à la cause olympique que ce très zélé disciple d'Hitler, et que Göring recevait régulièrement en grande pompe, fut nommé, en 1952, président du CIO, puis, en 1972, « président d'honneur à vie » lui aussi ! Son prédécesseur, le suédois Sigfrid Edström, président du CIO de 1946 à 1952, se livra, lui, à un odieux marchandage : il conditionna la reconnaissance du Comité National Olympique de l'URSS à la libération de Karl Ritter von Halt, ancien « Reichsportführer » (Ministre des Sports sous Hitler) retenu captif par les Soviétiques et lui-même élu membre, en 1937, du comité exécutif du CIO. Ritter, pour corser l'affaire, retrouva, intact, son siège, de 1951 à 1961, de président du Comité National Olympique d'Allemagne ! Voici, à ce propos, une photo de l'entrée triomphale d'Adolf Hitler, entouré des principaux membres du CIO (dont Baillet-Latour et Brundage), lors de la cérémonie d'ouverture, le 1er août 1936, des JO de Berlin :
http://www.linternaute.com/savoir/magazine/adolf-hitler/jo-de-1936.shtml
Et puis, très amère cerise sur le gâteau, il y eut cette funeste mais décisive date du 18 novembre de cette même année 1936, soit trois mois après, à peine, de la clôture de ces Jeux de Berlin. C'est ce jour-là, en effet, qu'eut lieu le départ des aviateurs allemands de la légion « Condor », placés sous les ordres de Göring, pour aller combattre en Espagne, contre les républicains, aux côtés des fascistes de Franco, au premier rang desquels émergeait alors, franquiste parmi les franquistes, un certain Juan Antonio Samaranch, qui militait déjà, en ce temps-là, dans les rangs serrés des très fascistes « Phalange Espagnole Traditionnaliste » (FET) et autres « Juntes Offensives National-Syndicalistes (JONS), mais qui, surtout, deviendra lui aussi, de 1980 à 2001, l'inamovible président du CIO ! Pour tragique rappel, c'est cette même légion « Condor », contre laquelle bataillèrent héroïquement les brigades aériennes du grand Malraux, qui, cinq mois plus tard seulement, le 26 avril 1937, bombarda, de sinistre mémoire, le village de Guernica : massacre que Picasso immortalisa, avec le génie pictural que l'on sait, dramatiquement. En voici le douloureux mais éloquent tableau :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Mural_del_Gernika.jpg
« No passeran », disaient les résistants espagnols… sauf pour ce futur président du CIO que fut donc l'indigne marquis de Samaranch, qui, nommé par Franco, en 1967, « Secrétaire des Sports » dans le Gouvernement Espagnol, ne craindra pas d'affirmer encore, au soir de la mort de ce sanguinaire dictateur, advenue en 1975, que « la figure et l'œuvre réalisée par la Caudillo s'inscrira dans l'histoire comme l'un des plus grands Chefs d'Etat du XXe siècle ». « No comment » !
QUAND JACQUES ROGGE, ACTUEL PRESIDENT DU CIO, HONORE LA MEMOIRE DE L'ANTISEMITE ET NAZI BAILLET-LATOUR
Mais j'entends déjà les supporters et autres inconditionnels partisans du Comité International Olympique crier là au scandale, sinon à l'infamie : ce n'est là qu'histoire ancienne, sur laquelle ce même CIO a tourné la page, me rétorqueront-ils. Ce à quoi je leur répondrai, pour ma part, que non, justement ; et qu'il y a même là, au contraire, de nos jours encore, une étrange et non moins répréhensible continuité. Ainsi, pas plus tard que le 2 juin 2010, Jacques Rogge, actuel président du CIO, se rendait-il à Virton, petite ville des Ardennes belges, pour y aller s'incliner, ému et une couronne de fleurs à la main, sur la tombe de son prédécesseur et compatriote Henri de Baillet-Latour, celui-là même qui fut responsable de l'organisation, dans l'Allemagne nazie de 1936, des Jeux Olympiques d'hiver comme d'été. Rogge en profita, par la même occasion, pour inaugurer, à grand renfort de discours, quoique dans une relative discrétion afin de ne pas heurter certaines sensibilités, un musée en son honneur. Pour ceux qui en douteraient encore, voici l'article que le journal « Le Soir », premier quotidien de Belgique, consacra deux jours après, dans son édition du 4 juin 2010, à cet événement passé, à l'époque, quasiment inaperçu :
http://archives.lesoir.be/jacques-rogge-a-honore-henri-de-baillet-latour_t-20100603-00XQ5Y.html
Pis, deux ans auparavant déjà, le 3 octobre 2008, ce même Jacques Rogge donnait-il naissance officiellement, parrainée conjointement par l'Université Catholique de Louvain (UCL) et l'Université de Gand, à la cinquième Chaire Olympique au monde, financée, à hauteur de 85.000 euros par année académique et pendant trois ans, par le fonds Inbev-Baillet Latour. En voici l'inénarrable communiqué de presse :
http://www.inbevbailletlatour.com/index.cfm?ee=2|144
AVEC SIMON WIESENTHAL, POUR UN DEMANTELEMENT DU CIO
Conclusion ? A l'heure où tout négationnisme historique, comme toute sympathie ouvertement fasciste ou signes ostensiblement pronazis, se voient durement pénalisés, à juste titre, par la législation de la République Française et la plupart de nos démocraties d'Europe, qui osera donc mettre cette organisation criminelle qu'est le Comité International Olympique, du moins au vu de ses multiples et manifestes collusions avec les pires des totalitarismes militaro-idéologiques, hors la loi ? A tout le moins, ne fût-ce que par respect des victimes de la Shoah, se doit-il d'être, au plus vite, démantelé. C'est là, urgent, un sacro-saint devoir de mémoire ! Mieux : les valeurs de l'olympisme elles-mêmes, dont l'universalisme des principes philosophiques, y gagneraient ainsi, de surcroît, en crédibilité morale. C'est cela même que, pourtant conscient de la difficulté de pareille tâche, me confia un jour de mars 1993, alors que je m'entretenais en tête à tête avec lui, dans ses bureaux de Vienne, Simon Wiesenthal en personne, qui n'eut de cesse, jusqu'à sa mort, survenue en 2005, de traquer les criminels nazis et à qui l'on doit, notamment, l'arrestation d'Eichmann, le machiavélique concepteur de la « solution finale », et son historique procès, en terre d'Israël, à Jérusalem même, pour crimes contre l'humanité...
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur de « La Philosophie d'Emmanuel Levinas » (Presses Universitaires de France), porte-parole du Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation (« One Law For All »), dont le siège est à Londres, et membre du Comité de Soutien « Jeux Olympiques de Londres 2012 - Justice pour les Femmes », dont le siège est à Paris.

mardi 31 juillet 2012

Psychanalyse et Bouddhisme...

Un sujet distribué. Lacan, Bouddha, Varela

En novembre dernier j’ai assisté à une journée d’étude originale dans le domaine de la psychanalyse, qui proposait d’articuler philosophie, bouddhisme et psychanalyse. Elle s’intitulait « Au delà du moi, la liberté ? Psychanalyse philosophie, méditation » (lire le programme et écouter les interventions). L’initiative est venue d’une association de psychanalystes, “Jeunes&Psy“, fondée par Nicolas d’Inca, psychologue clinicien, qui tient également un blog, Psychologie et méditation. Cette journée novatrice a permis à ce lien entre bouddhisme et psychanalyse, qui existe dans les pratiques, mais sans grande visibilité, d’apparaître sur le devant de la scène et, je le souhaite, de semer quelques graines intéressantes dans la réflexion psychanalytique contemporaine. Les rigidités dogmatiques et les catégorisations solides qui découpent jusqu’à présent la psychanalyse française en écoles et en pratiques souvent stéréotypées (lacaniens, freudiens, jungiens, etc.) sont en train de se « désolidifier » et finiront, je l’espère, par se dissoudre, sous l’impulsion de propositions de ce type.
Tous les chemins ne mènent pas au bouddhisme
J’ai suivi cette journée parce que ces trois domaines me sont familiers, et que leur articulation a piqué ma curiosité. La philosophie et la psychanalyse sont des terrains que le chercheur en sciences humaines et sociales peut rencontrer aisément, soit dans son activité scientifique, soit dans son cheminement personnel, donc rien de particulier à cet égard. Mais le bouddhisme est évidemment plus rarement présent dans nos travaux, et l’on n’y vient pas comme ça. Pour ma part, j’y suis venue par les sciences cognitives, par la lecture de Francisco Varela et des théories de l’énaction. Je suis arrivée à l’énaction par la cognition sociale, dans sa version distribuée, à laquelle je suis elle-même parvenue par ma réflexion sur les processus de production du discours, me sentant à l’étroit dans les théories du contexte disponibles dans les disciplines texte-discours contemporaines, et souhaitant intégrer à mon travail la réalité matérielle et expérientielle. Voilà pour mon cheminement. Mais quel rapport avec le bouddhisme, allez-vous me dire ? J’y viens.
L’énaction est un courant qui nous vient du Chili, proposé par Varela à partir de son travail avec Humberto Maturana, biologiste et philosophe, auteur du concept d’autopoièse. L’autopoièse signifie que les systèmes vivants sont autonomes, qu’ils produisent en quelque sorte leurs propres représentations, gèrent leurs fonctionnements dans leurs environnements et produisent finalement leur existence. Cette position constitue une contestation de la cognition internaliste (ou « paradigme de l’ordinateur ») qui avance au contraire que les représentations du monde extérieur sont prédéterminées et codées dans l’esprit humain, qui fonctionne à cet égard comme un ordinateur, et qu’on ne peut connaître les objets extérieurs qu’à travers les représentations qu’on en a.
Les chemins du sujet
Varela insiste en particulier sur la notion d’émergence, qu’il emprunte à la pensée bouddhiste : selon lui, les représentations ne sont pas préalables, déposées dans des cadres (frames), mais émergent, sont « énactées » au fur et à mesure que les agents évoluent dans les environnements. Il déclare par exemple dans L’inscription corporelle de l’esprit, qui constitue une synthèse de la question élaborée avec Eleanor Rosch et Evan Thompson que « la cognition, loin d’être la représentation d’un monde prédonné, est l’avènement conjoint d’un monde et d’un esprit à partir de l’histoire des diverses actions qu’accomplit un être dans le monde » (Varela et al. 1993 : 35). Cet « avènement conjoint » constitue une interaction réciproque entre nos perceptions et nos manières de nous mouvoir dans le monde (notre motricité) ; il s’agit donc d’une cognition incarnée, autrement dit une élaboration corporelle de la conscience et de la connaissance : « La connaissance ne préexiste pas en un seul lieu ou en une forme singulière, elle est chaque fois énactée dans des situations particulières. » (Varela et al. 1993 : 97). Une des meilleures illustrations que Varela donne de l’émergence figure dans Quel savoir pour l’éthique ?, où il emploie une comparaison éthologique :
Utilisons une des meilleures illustrations des propriétés émergentes : les colonies d’insectes. [...] Une chose est particulièrement frappante dans le cas de la colonie d’insectes: contrairement à ce qui se passe avec le cerveau, nous n’avons aucun mal à admettre deux choses : a) la colonie est composée d’individus ; b) il n’y a pas de centre ou de “moi” localisé. Pourtant, l’ensemble se comporte comme un tout unitaire et, vu de l’extérieur, c’est comme si un agent coordinateur était “virtuellement” présent au centre. C’est ce que j’entends lorsque je parle d’un moi dénudé de moi (nous pourrions aussi parler de moi virtuel) : une configuration globale et cohérente qui émerge grâce à de simples constituants locaux, qui semble avoir un centre alors qu’il n’y en a aucun, et qui est pourtant essentielle comme niveau d’interaction pour le comportement de l’ensemble (Varela 1996 : 85-87).
Le sujet de la conscience selon Varela ne siège pas dans un centre, qu’il soit neuronal ou métaphysique, mais réside dans notre inscription dans les environnements de notre existence : il s’agit donc un esprit distribué dans le monde, et non plus encapsulé dans une forme d’intériorité de la conscience.
Une conception distribuée du sujet et du moi
Le colloque « Au delà du moi, la liberté ? » mettait en rapport avec beaucoup de fécondité des conceptions du moi de ce type, mais à partir de la psychanalyse et du bouddhisme. Nicolas d’Inca rappelait en introduction à quel point la vision actuellement dominante du moi en fait un monde clos sur lui-même, doté d’une « massivité » qui lui vient en partie de la conception cartésienne. Il rappelait également que Derrida, en 1990, recommandait déjà de “ne pas oublier la psychanalyse”, pour que cette conception du moi ne finisse pas par dominer nos références.
Jean-Jacques Tyszler explique en effet au début de la journée que chez Freud même, on ne trouve pas de conception du moi comme instance régulatrice ou comme synthèse, qui fonde en notre modernité une conception de l’identité qui envahit la vie sociale et politique. Il souligne que chez Freud, le moi est un « bric-à-brac », une notion instable et peu formalisée. Pour Lacan relecteur de Freud, ce moi massif et tout-puissant n’existe pas, mais il est au contraire une instance de méconnaissance, la fonction moïque étant porteuse de la paranoïa ordinaire du sujet. Croire à son moi, c’est tomber dans les rets du sujet, et donc céder à l’aliénation, au fantasme et à la pulsion. Pour Lacan, il est impossible que le sujet soit identique à quelque chose qui serait lui-même, puisque le sujet est défini comme sujet du fantasme. Notre identité nous échappe, puisque nous sommes le fantasme de l’autre, nous sommes ce que façonne le regard de l’autre : “Le moi est référentiel à l’autre. Le moi se constitue par rapport à l’autre. Il en est corrélatif”, affirme-t-il dès le premier séminaire (1953-54 : 83). Jean-Jacques Tyszler souligne que la conception de Lacan n’est pas dénuée d’un certain pessimisme, car il a tendance à réduire l’humain à ses objets de tyrannie, au nombre de quatre : le sein, les fèces, la voix et le regard. Il rappelle que le « rien » (“l’objet a-rien”) a failli devenir le cinquième objet, ce qui aurait considérablement rapproché la psychanalyse lacanienne de la pensée bouddhiste.
Jean-Luc Giribone, prenant ensuite la parole, revient sur ce cinquième objet écarté et rappelle que le moi est exactement défini par Lacan comme l’objet dont le sujet tombe amoureux, installant avec lui une relation imaginaire. La formule est connue : “L’objet aimé est dans l’investissement amoureux, par la captation qu’il opère du sujet, strictement équivalente à l’idéal du moi” (1953-54 : 201). Pour Lacan, il s’agit même de la structure de la folie : croire en son moi, croire que l’on est quelque chose et que ce quelque chose possède à la fois une existence « solide » et une importance. Or le moi, pour le bouddhisme, est une forme de rien, le non-moi (un prolongement de cette intervention sur le blog de N. d’Inca). Sur ce point, il existe de véritables analogies entre la psychanalyse et le bouddhisme, en particulier dans les textes d’un des maîtres inspirateurs de cette journée, Chögyam Trungpa, principale figure du bouddhisme tantrique au 20e siècle. Dans Pratique de la voie tibétaine, sous-titré « Au-delà du matérialisme spirituel »,  publié en 1973, Trungpa a des formules que Lacan aurait pu produire vingt ans auparavant :
Il est important de voir que le point esentiel de toute pratique spirituelle est de sortir de la bureaucratie de l’ego, c’est-à-dire de ce constant désir qu’a l’ego d’une forme plus haute, plus spirituelle, plus transcendante du savoir, de la religion, de la vertu, de la discrimination, du confort, bref, de ce qui fait l’objet de sa quête particulière. Il faut sortir du matéralisme spiriruel (1973 : 24).
Un peu plus loin, dans un chapitre intitulé « Le développement de l’ego », Trungpa décrit comment la littérature bouddhiste représente l’ego, à travers la métaphore du singe prisonnier :
On parle d’un singe emprisonné dans une maison vide, une maison percée de cinq fenêtres représentant les cinq sens. Ce singe est très curieux : il sort sa tête par chacune des fenêtres et il n’arrête pas de sauter de-ci de-là inquiet. C’est un singe captif dans une maison vide. La maison est solide, ce n’est pas la jungle dans laquelle le singe bondissait et se balançait accroché aux lianes, ni les arbres dans lesquels il pouvait entendre souffler le vent et frémir les brachages et les feuillages. Toutes ces choses ont été complètement solidifiées. En fait, la jungle elle-même est devenue sa maison solide, sa prison. Au lieu de se percher dans un arbre, notre singe curieux a été emmuré dans un monde solide, comme si une chose fluide, une cascade dramatique et belle, avait soudain gelé. Cette maison gelée, faite de couleurs et d’énergies gelées, est complètement immobile (p. 135-136).
Cette parabole trouve d’étonnants échos dans le second séminaire, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse (1954-55). C’est sans doute le plus “bouddhiste” des textes de Lacan, texte où il propose quelques notions fortes comme le “décentrement du sujet”, la “tendance à croire que nous sommes nous”, et où il explique que l’inconscient est “ce sujet inconnu du moi” (p. 59) : “Dans l’inconscient, exclu du système du moi, le sujet parle” (p. 77).
Meditation
Un réseau contemporain de propositions anti-dualistes : entrer dans le post-humanisme
En écoutant les communications, je pensais à Varela évidemment, mais aussi à d’autres propositions affines dans d’autres disciplines, qui ont en commun cette conception distribuée et fluide de l’esprit et du moi : le moi est dans l’autre, que cette altérité soit humaine ou non-humaine, et par conséquent, l’existence s’accomplit sur le mode de la distribution, de la médiation et du décentrement. Nous vivons en effet actuellement un tournant épistémologique important dans les sciences humaines, caractérisé par l’effacement des grands binarismes et une recomposition de la pensée sur le monde qui ne passe plus par la référence à des centres : les pensées en «-centrisme » sont de plus en plus contestées et invalidées : anthropocentrisme, ethnocentrisme, européanocentrisme, égocentrisme et logocentrisme. Nous sommes entrés dans l’ère du post-centrisme. Quelques exemples, au fil de ma pensée :
– La cognition distribuée, lancée au début des années 1990 par Edwin Hutchins dans son étude princeps sur la circulation de l’intelligence à bord d’un avion (1991), pose que les objets de notre entourage sont des agents psychiques, et que, dans un cockpit par exemple, les informations ne circulent pas seulement dans l’interaction duelle entre le pilote et le copilote, mais se « distribuent » à travers les instruments de mesure.
– La théorie de l’extended mind de Alan Clark et David J. Chalmers, qui défendent l’idée de l’externalité de l’esprit, emprunte cete voie de la distribution et du décentrement : mon esprit est, partiellement, non seulement dans le vôtre, mais aussi dans les artefacts et les objets matériels qui m’entourent  et dont je fais usage.
– La réflexion sur l’identité de François Laplantine dont je viens de relire l’essai Je, nous et les autres (lire un compte rendu), tout juste republié aux Éditions du Pommier est absolument adéquate aux conceptions lacanienne et bouddhiste. Laplantine est très hostile aux deux concepts d’identité (dérivé d’une conception du moiet de représentation, qui solidifient selon lui de manière draatqiue notre rapport à l’autre et au monde.
– Même si le concept est critique dans son esprit, et même si je trouve sa position conservatrice et déploratoire, la notion de “liquidité” avancée par Zygmunt Bauman, qui constitue un exact pendant à la “solidité” pensée par Laplantine, nous aide à penser les circulations et les décloisonnements post-cartésiens, dans Identité en 2004 et Le présent liquide en 2007.
– Mais c’est sans doute la position d’Axel Honneth qui me semble la plus opératoire en sciences humaines, car issue d’une synthèse puissante des remises en cause du sujet dans la seconde moitié du 20e siècle (1993). Honneth propose la notion d’”autonomie décentrée”, ne souhaitant pas abandonner totalement le sujet au néant du non-moi, mais ne visant pas non plus le retour à une conception pré-structuraliste d’un moi de la maîtrise et de la pleine conscience.
On le voit, les circulations sont intenses entre les différents paradigmes qui s’occupent de la question du sujet et du moi dans une perspective non cartésienne : psychanalyse, bouddhisme et méditation, cognition sociale, anthropologie, philosophie de l’esprit, philosophie morale. Il ne me semble désormais plus possible d’adopter une conception egocentrée du sujet, qui détiendrait une perspective sur ‘autre et sur le monde. Reste à assumer cette modification épistémologique dans nos disciplines, ce qui, en linguistique en tout cas, aussi discursive soit-elle, reste encore largement à accomplir.
Références
Bauman Z., 2010 [2004], Identité, trad. anglais M. Dennehy, Paris, L’Herne.
Bauman Z., 2007, Le présent liquide. Peurs sociales et obsessions sécuritaires, trad. anglais L. Bury, Paris, Seuil.
Clark A., Chalmers D., 1998, « The extended mind », Analysis 58 (1) : 10-23.
Honneth A., 2008 [1993], « L’autonomie décentrée. Les conséquences de la critique moderne du sujet pour la philosophie morale », dans Psychologie morale, Autonomie, responsabilité et rationalité pratique, Paris, Vrin, 347-364.
Hutchins E., 1994 [1991], « Comment le cockpit se souvient de ses vitesses » (trad. de « How a Cockpit Remembers its Speed »), Sociologie du travail 4 : 461-473.
Lacan J., 1975 [1953-1954], Séminaire 1, Les écrits techniques de Freud, Paris, Éditions du Seuil.
Lacan J., 1978 [1954-1955], Séminaire 2. Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Éditions du Seuil.
Laplantine F., 2010 [1999], Je, nous et les autres, Paris, Le pommier.
Trungpâ C., 1976 [1973], Pratique de la voie tibétaine. Au-delà du matérialisme spirituel, trad. de l’américain par V. Bardet, Paris, Seuil.
Varela F., Thomson E. & Rosch E., 1993 [1991], L’inscription corporelle de l’esprit : sciences cognitives et expérience humaine, trad. V. Havelange, Paris, Seuil.
Varela F., 1996, Quel savoir pour l’éthique ? Action, sagesse et cognition, Paris, La Découverte.
Crédits photographiques
1. “Meditation Labyrinth”, 2007, Nancy McClure, galerie de l’auteur sur
Flickr, contrat Creative Commons.
2. “Meditation”, 2010, Sam, galerie de l’auteur sur
Flickr, contrat Creative Commons.